Commençons par un exemple de confusion scandaleuse par ses conséquences diffamantes, qui permet de mesurer la fiabilité des références de René Guénon.
Vladimir Solovioff (1853-1900) Philosophe et poète |
« Il a été dit que la Théosophie est une proposition commerciale et que, par elle, une grande quantité d’argent peut être amassée. Le même opposant proclame que les Guides tibétains de la Société, Mahatmas et Chelas [disciples], n’ont jamais existé mais ont été inventés par Mme Blavatsky. À la première proposition, l’auteur [Mme Blavatsky] répond par des données et des chiffres convaincants; quant à la seconde, nous-mêmes, parti étranger à cette affaire, pouvons témoigner que cela est faux. « Comment H.P. Blavatsky pourrait-elle avoir inventé la Fraternité tibétaine ou l’ordre des Chelas, alors qu’il est aisé de trouver des renseignements précis et authentiques à propos de l’existence et des caractéristiques de cette Fraternité dans le livre du missionnaire français Huc (Voyage en Tartarie, Tibet et Chine), lequel a visité le Tibet dans la première partie des années quarante, c’est-à-dire quelques trente années avant la fondation de la Société Théosophique ? « Quoi qu’il en soit, et compte tenu de tous les points faibles théoriques et éthiques de la Société Théosophique, il est évident que cette Société, que ce soit sous sa forme actuelle ou autrement, de même que que le mouvement Néo-Boudhiste[2] réveillé par ses efforts, ont un rôle important à jouer dans un avenir proche […]. « Ce dernier ouvrage de H. P. Blavatsky est particulièrement important pour nous parce qu’il présente le Bouddhisme sous un nouvel angle, insoupçonné jusqu’à ce jour, c’est-à-dire un mouvement religieux sans credo ni dogmes et cependant pourvu d’un but bien défini et unique (tendant à ce que l’homme atteigne à sa propre évolution divine à l’opposé d’une croyance en un principe super-humain […]. » (Loc. Cit. in Ryan., pp. 202-203). |
2 – Méprise sur la personne de Samuel Mac Gregor Mathers
René Guénon s’est ingénié à démontrer qu’il existe, entre la Fraternité Hermétique de Louxor (celle qu’il a détectée comme telle) et les Maîtres occultes de différents mouvements rosicruciens ou les Inspirateurs de la Société Théosophique, des liens révélateurs de manipulations d’agents de la « contre-initiation ». Les Maîtres de Mme Blavatsky et les œuvres de cette dernière lui apparaissent évidemment comme le type achevé de ces noires entreprises. Et René Guénon de nous inviter à le suivre dans les méandres de ses conjectures et de ses révélations d’homme bien renseigné sur le « Who is Who » de l’Ésotérisme, sur lequel il possède des lumières que les autres n’ont pas (Cf. Théos., p. p. 33-42). C’est ici qu’il commet deux erreurs dont l’énormité en dit long sur sa réelle impéritie et le peu de crédit que l’on peut accorder à ses « mises au point » : Parlant de l’Ordre Hermétique de la Golden Dawn, émanation de la Societas Rosicruciana in Anglia, il évoque la devise de l’un de ses chefs, S. L. Mac-Gregor Mathers, pour souligner qu’elle comporte une fin de texte identique à celle de « sa » Hermetic Brotherhood of Light (op. cit., p. 36). Il prétend fournir alors les renseignements suivants à propos de S. L. Mac-Gregor Mathers, Imperator de la Golden Dawn et auteur d’une lettre qu’il vient de citer :« L’auteur de la lettre que nous venons de citer, qui est mort il a quelques années, était le frère aîné d’un autre M. Mac-Gregor, un représentant en France de l’Order of the Golden Dawn in the Outer, et également membre de la Société Théosophique. « On fit quelque bruit à Paris, en 1899 et en 1903, autour des tentatives de restauration du culte d’Isis par M. et Mme Mac-Gregor, sous le patronage de l’écrivain occultiste Jules Bois, tentatives assez fantaisistes d’ailleurs, mais qui eurent en leur temps un certain succès de curiosité. « Ajoutons que Mme Mac-Gregor, la « Grande-Prêtresse Amari », est la sœur de M. Bergson; […] » (Op. cit., pp.36-37). |
Samuel Lyddel Mac Gregor Mathers (1854-1918) |
3 – Confusion entre père et fils : les Lytton
Ce n’est pas sa seule erreur du genre : rencontrant d’insurmontables difficultés avec les liens ascendants ou collatéraux, R. Guénon en commet une aussi grossière, quoique moins drôle, à propos de Bulwer Lytton. Continuant de disserter « savamment » des liens entre la politique anglo-saxonne et l’Occultisme, il croit bon de nous apporter ici encore le secours de ses lumières : il présente « Lord Lytton, alors Vice-Roi des Indes », comme partie prenante à des complots libertaires ourdis dès 1876 autour de la Société des « Fratres Lucis ». C’est au sujet de ce dernier qu’il poursuit :« … pour en revenir à des choses sérieuses [sic], nous dirons que Lord Lytton, dont nous venons de rencontrer le nom à propos de Fratres Lucis, est le célèbre auteur de « Zanoni », de « Une Etrange Histoire », et de « La Race future » […] il fut le grand patron de la Societas Rosicruciana, et son fils fut ambassadeur d’Angleterre à Paris. « Ce n’est sans doute pas par un simple hasard que ce nom de Lytton se retrouve à chaque instant mêlé à l’Histoire de l’Occultisme… » (Op. cit., p. 301). |
A gauche, le père, Edward George Earle Bulwer-Lytton (1803-1873) et à droite le fils, Lord Edouard Robert Bulwer Lytton (1831-1891) |
[1] S’écrit également Soloviev ou Solov’ev (Wladimir Sergeevich Soloviev) [2] Le terme « Boudhiste”, écrit avec un seul « d », indique que Vladimir Solovioff faisait sienne la distinction opérée par Mme Blavatsky entre le Principe Spirituel qui donne sa signification à cette Philosophie et le mouvement religieux se réclamant des textes attribués au Bouddha dans la Doctrine exotérique. (Cf. Clef., Chap. « La Théosophie n’est pas le Bouddhisme”, pp. 20-23) [3] Le père, Edward George Earle Bulwer-Lytton (1803-1873), fut un politicien, un poète et un critique, passé à la postérité comme romancier prolifique et auteur, entre autres, de « Zanoni », « Les derniers jours de Pompéi » ou de « La Race future ». Le fils, Lord Edouard Robert Bulwer Lytton (1831-1891), était diplomate et également poète sous le pseudonyme d’Owen Meredith. Il fut nommé vice-roi des Indes par Disraeli en 1875 et le titre de comte lui fut conféré pour services rendus dans les guerres Afghanes. Il fut ambassadeur en France de 1887 jusqu’à sa mort.