Le Rapport Hodgson de 1885

« Tu ne sais rien de la sagesse
tant que tu n’as pas fait l’épreuve des ténèbres,
qui te retranchent d’un chacun,
sans recours et sans bruit »
Hermann Hesse
(Poète, peintre et romancier
Prix Nobel de littérature en 1946)

1° – Cause de l’enquête initiale (1884-85)
        de la Société de Recherche Psychique de Londres

En 1884, sur l’invitation du Colonel Olcott, la « Société de Recherche Psychique de Londres » (S. P. R.[1]) envoya en Inde, à Adyar (Madras, siège de la Société Théosophique ou S.T.) Richard Hodgson pour faire une enquête sur les « pouvoirs » de Madame Blavatsky, producteurs de « phénomènes » inexplicables par la Science.

Compte tenu du fait que le Colonel Olcott, avec tant d’autres, avait toujours été un témoin impartial de ces phénomènes, c’était donc avec la conscience plus que tranquille, sûr des résultats — positifs et en faveur de Madame Blavatsky — qu’il sollicita cette enquête.

Hodgson, envoyé par la Société de Recherche Psychique de Londres, se rendit à Madras. La première attitude de ce Comité d’enquête, dans son premier rapport confidentiel du printemps 1884, destiné à l’information du cercle restreint des membres de la S.P.R., fut prudente mais de bonne foi et ouvert à une étude impartiale des « phénomènes ». Le Comité venait de rencontrer H. S. Olcott et A. P. Sinnett, ainsi que le Théosophe hindou Mohini M. Chatterji.

Sur ces entrefaites se déclencha le « scandale Coulomb », qui changea totalement le cours des choses : le couple Coulomb, hébergé à Madras par les soins de Madame Blavatsky, fut chassé du siège de la Société Théosophique pour malversations, le 14 mai 1884[2]. Mari et femme s’entendirent alors pour faire publier en septembre, dans le Madras Christian College Magazine, des lettres qu’ils — Madame Coulomb plus précisément — prétendirent avoir reçu de Mme Blavatsky. Ces écrits laissaient paraître implicitement l’existence d’une fraude liant H.P.B. et le couple, spécifiquement en ce qui concerne la « fabrication » des « Lettres des Mahatmas » : ceci impliquait que ce n’était pas les Adeptes qui écrivirent les lettres reçues par A.O. Hume, A.P. Sinnett, etc., mais bien la falsificatrice que se révélait être Madame Blavatsky. A ces lettres outrageuses se mêlaient d’authentiques lettres d’H.P.B. envoyées aux époux Coulomb, relatant des banalités d’usage, mais dont l’écriture fut bien la source de la copie qu’ils en firent.

L’attention d’Hodgson se reporta donc soudain sur l’authenticité de ces lettres d’ « aveux » qu’auraient reçues Emma Coulomb de Madame Blavatsky ; celle-ci nia, à l’évidence, les avoir jamais écrites.

 

2° – Les conditions de cette enquête 

Pendant tout le temps qu’il passa à Adyar (Madras), de janvier à avril 1885, l’enquêteur fut reçu amicalement par les membres de la Société Théosophique mais il n’obtint de ses interlocuteurs hindous que des réponses évasives susceptibles de prêter à confusion au sujet des rapports qu’entretient Mme Blavatsky avec les Mahatmas. Pourquoi ? Parce que les interlocuteurs hindous étaient liés par le devoir de réserve envers les Mahatmas qui étaient leurs Maîtres ; ces derniers devaient garder l’anonymat et le plus strict retrait, alors les disciples firent tout pour brouiller les pistes de l’Occidental.

Pour Hodgson, Sinnett et tous les autres témoins étaient des dupes, à l’exception de Damodar que, contrairement aux Coulomb, il tint pour un complice. Rappelons aussi qu’Olcott[3], quant à lui, apparut comme un sot auquel on ne put reprocher que « de la crédulité, et un manque de précision dans ses observations et ses déductions ». Cette formule sanctionnait 10 ans de présence du Colonel aux côtés d’H.P.B. et 20 années d’observations des phénomènes spirites qui lui avaient donné une réputation mondiale dans ce domaine !

De plus, Hodgson refusa d’entendre la première concernée par toute cette affaire : Mme Blavatsky. Il ne voulut entendre et prendre en compte que les dires qui confortaient l’accusation, taxant de complicité de fraude ou de manque de discernement les témoins en faveur de l’accusée ; ainsi en fut-il de Damodar[4] (complice !) et du Colonel H.S. Olcott et des autres témoins (victimes des supercheries de Mme Blavatsky par manque de discernement).

En fait, l’essentiel de l’argumentation d’Hodgson reposait sur le témoignage des époux Coulomb, confirmés dans leurs dires par les experts graphologues qui, après beaucoup d’hésitations, authentifièrent les lettres que le couple prétendait détenir de Mme Blavatsky.

Or, Hodgson, au regard de l’analyse graphologique qu’il fit, affirma que les lettres attribuées par le couple Coulomb à H.P.B. furent bien écrites de la main de cette dernière. C’était donc accepter l’idée de fraude relative à « la fabrication », par Mme Blavatsky, d’autres lettres, celles qu’avaient écrites des Adeptes.

 

3° – Conclusions du Rapport Hodgson

L’enquête d’Hodgson aboutit, en décembre 1885 au fameux Rapport du « Comité préposé à l’investigation des phénomènes liés à la Société Théosophique». Les conclusions étaient les suivantes : « Pour notre part nous ne la regardons pas davantage comme le porte-parole de prophètes cachés que comme une simple et vulgaire aventurière ; nous pensons qu’elle a conquis le droit à une perpétuelle mémoire en tant que l’un des plus accomplis, des plus ingénieux, et des plus intéressants imposteurs de l’histoire ».

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[1] La Société pour la Recherche Psychique a été fondée en 1882 par un groupe de distingués savants de Cambridge. Son but était d’examiner de prétendus phénomènes paranormaux de manière scientifique et impartiale et c’était la première société de cette sorte dans le monde. La nature interdisciplinaire de ses thèmes est reflétée par les spécialités de ses anciens présidents. Ceux-ci incluent les philosophes Henry Sidgwick, C.D. Broad, Henri Bergson et H.H. Price; le Premier Ministre A.J. Balfour; les psychologues William James et F.W.H. Myers; les physiciens Sir William Crookes, Sir Oliver Lodge et Lord Rayleigh; le physiologiste et Lauréat du Prix Nobel Charles Richet; l’humaniste Gilbert Murray; le zoologiste Sir Alister Hardy; et le parapsychologue J.B. Rhine. (Définition tirée du site de la SPR)
[2] L’intention réformatrice et éducatrice de la Théosophie aux Indes devenant chaque jour plus évidente, des réactions s’organisèrent dans le monde pour faire obstacle à cette influence grandissante. En 1884, après le retour des « Fondateurs » en Europe, c’est la « conspiration d’Adyar », organisée par les missionnaires chrétiens avec la complicité du couple Coulomb qui, après avoir été recueillis par H. P. B. au siège de la Société à Adyar, cherchaient à nuire à la S. T. et à tirer vengeance des membres avec qui ils s’étaient violemment brouillés après le départ des Fondateurs. Le complot, publiquement démasqué par Judge, n’en eut pas moins de graves conséquences. Les attaques visaient directement la personnalité et le caractère moral de H.P. Blavatsky.
[3] Il suffit de songer aux qualités éminemment contraires dont Olcott a fait montre pendant toute sa vie d’enquêteur, qui commence aux armées, et dont témoignent ses écrits. Rappelons que le « Comité de St Pétersbourg » (dirigé par le conseiller Aksakoff) était, comme Sir Arthur Conan Doyle, d’un avis tout à fait opposé au sujet d’H.S. Olcott. Et l’on ne saurait faire au « père de Sherlok Holmes », médecin de son état, l’injure de comparer à celle d’Hodgson l’intelligence qu’il montre dans ses rigoureuses enquêtes, tout au long de quarante ans d’études spirites. Comme les scientifiques de St Pétersbourg, Conan Doyle a souligné au contraire avec admiration la remarquable rigueur et l’aptitude à l’observation montrée par le Colonel dans ses enquêtes, et dont témoignent ses articles du Daily Graphic et son livre « Gens de l’Autre Monde ».
[4] Damodar K. Mavalankar, né dans Ahmedabad, Gujarat, en septembre 1857, grand disciple du Maître K.H. – Il administrait le Quartier Général d’Adyar durant les fréquents voyages d’H.P.B. et d’H.S.O., ce qui explique son implication par Hodgson. Damodar partit en 1885 pour le Tibet rejoindre son Maître et nul ne le revit…


Il est possible de consulter en ligne (mais en anglais) l’ouvrage de Walter A. Carrithers, Jr. :

« Obituary: The « Hodgson Report » on Madame Blavatsky »
The Theosophical Publishing House – 1963

d’une grande richesse documentaire.