Helena Petrovna BLAVATSKY

« Elle n’appartenait pas au temps présent.

   Son message vint d’un passé grandiose et elle ne le délivra pas au présent mais au futur. Parce que le présent est enseveli sous l’obscurité du matérialisme et que dans ce lointain passé brillait la seule Lumière pouvant éclairer l’avenir…

   

Elle donna des nouvelles de la Grande Loge qui fut jadis « le Bon Berger » de l’Humanité. »

James Morgan Pryse (1859-1942) [1]


[1] Article de 1898 de James Morgan Pryse intitulé « Helena Petrovna Blavatsky », et republié récemment par « The Canadian Theosophist » en mai-juin 1991, à l’occasion du centenaire de la mort d’H.P.B.

Témoignages sur H.P.B

Un ouvrage remarquable parut à Londres, en 1891, intitulé « H.P.B. – À la mémoire d’Helena Petrovna Blavatsky par quelques un de ses élèves ». Il contient le témoignage de nombreuses personnes qui, ayant vécu de longs moments auprès d’ Helena Blavatsky, purent savoir vraiment qui elle était et comprendre un peu le mystère qui émanait de sa personne. Cet ouvrage a été réédité en 1991, à l’occasion du Centenaire de la mort de la Fondatrice de la Société Théosophique[1]. Il n’est, malheureusement, pas traduit en Français. Nous avons, cependant, deux livres écrits par des témoins proches de la vie d’H.P.B. : celui de A. P. Sinnet (« La Vie extraordinaire de Madame Blavatsky » – Éditions Adyar) et celui de Constance Wachtmeister (« La Doctrine Secrète et Madame Blavatsky » – Ed. Adyar). Tous deux sont traduits en français.
Constance Wachtmeister
La Comtesse Constance Wachtmeister (1838 – 1910)
C. Wachtmeister partagea les dernières années de la vie de l’Occultiste russe notamment lorsqu’elle écrivit son chef d’épreuve, « La Doctrine Secrète ». Son ouvrage de C. Wachmeister a été publié en Angleterre en 1893, deux ans après la mort de Madame Blavatsky. Elle fut le témoin constant des « phénomènes » occultes qui ont entouré la vie de Madame Blavatsky en général et l’écriture de cet ouvrage, en particulier. Son récit revêt donc un caractère précieux car il nous permet non seulement de comprendre l’action des Mahatmas dans cette entreprise de divulgation de la Sagesse Occulte mais aussi de pénétrer la vie intime d’H.P. Blavatsky, saisir ses réflexions et surtout son grand cœur. Voici ce qu’en dit Constance Wachtmeister  :

« Ce serait une tâche difficile que de donner une relation complète et détaillée de tout ce qui se passa pendant la préparation de ce remarquable ouvrage, car il ne faut pas oublier que « H.P.B. », [surnom d’Helena Petrovna Blavatsky formé de la première lettre de son prénom, son nom patronymique et de son nom] ainsi qu’elle l’a souvent déclaré elle-même, ne fut que la compilatrice de ce travail. Derrière elle se trouvaient les vrais instructeurs, les Gardiens de la Sagesse Cachée des Âges, qui lui enseignèrent toute la Science Occulte qu’elle transmit ensuite dans ses écrits. »

« Son mérite consista, en partie, à être capable d’assimiler les connaissances transcendantes qui lui furent révélées et à être un précieux messager de ses Maîtres ; d’autre part, à être merveilleusement apte à mettre l’abstruse métaphysique orientale sous une forme intelligible aux Occidentaux, en procédant à des vérifications et en faisant des comparaison entre la Sagesse Orientale et la Science Occidentale. » « Je désire communique au lecteur tout ce que je sais des difficultés et des désespoirs qui l’assaillirent au cours de son travail. La mauvaise santé, la vie errante, l’entourage défavorable, le manque de matériaux, la défection de faux amis, les attaques ennemis, furent des obstacles qui entravèrent son travail…. ».
Il est patent que l’auteur de la « Doctrine Secrète » souffrit beaucoup, surtout dans les dernières années de sa vie, en ayant à assumer la rédaction de cette œuvre dans des conditions épouvantables, tant au plan moral (le discrédit, les accusations monstrueuses qui s’abattirent sur elle, la défection de ceux qu’elles croyaient fidèles…) qu’au plan physique et matériel (impécuniosité, santé plus que déficiente). Un témoignage extraordinaire est livré dans cet ouvrage ; c’est une lettre que reçut la Comtesse Wachtmeister, après le décès d’H.P. Blavatsky, par un homme qui ne voulut pas que soit rendue publique son identité ; aussi la Comtesse veilla-t-elle à satisfaire ce désir de discrétion en ne mentionnant que les initiales : R. S… Et à ce jour, jamais cette identité n’a été révélée. A elle seule, cette lettre donne une idée, faible encore peut-être, de qui, derrière l’humour, l’emportement, l’apparente démesure de son caractère, était réellement Madame Blavatsky. Elle est reproduite en grande partie, ci-après, et sera la clôture à la présentation au public de cette fin de siècle de celle qui fut l’Émissaire des Maîtres de la Sagesse.  

Lettre privée signée R.S. reçue entre 1891 et 1893 par la Comtesse Wachtmeister

  « Chère Comtesse Wachtmeister, » « Puisque vous préparez un livre sur la manière dont H.P.B. écrivit « La Doctrine Secrète », vous pourriez peut-être y joindre un aperçu de sa méthode d’enseignement personnel pour ses élèves résidant au loin. » « Personne jusqu’ici n’a écrit sur ce sujet, et moi-même je ne pourrais pas le faire si mon nom devait être mêlé à ce récit. Cependant, je pense que vous et beaucoup d’autres accepterez mes déclarations, étant donné surtout que vous avez eu la preuve que c’est bien ainsi que je reçus mon enseignement, comme sans doute le reçurent d’autres personnes dont aucune d’ailleurs n’est connue de moi […] » « Vivant à quelques milliers de milles de l’Angleterre, je n’ai jamais rencontré Madame Blavatsky en personne. Il y a maintenant sept ans que pour la première fois j’entendis parler d’elle et de la « Théosophie ». Comme beaucoup d’autres personnes de ma connaissance, ce fut en parcourant la brochure de la Société de recherches Psychiques qui dénonçait H.P.B. comme une simulatrice et assurait que la calomnie Hodgson-Coulomb était l’expression de la vérité. […] Je n’ai pas l’habitude de juger les gens sur quelques actes particuliers mais sur le résultat de tout leur enseignement ou de toute leur vie. H.P.B. elle-même écrivait vers cette époque : « Suivez le Sentier que je montre et les Maîtres qui sont derrière ; ne suivez ni moi, ni mon Sentier. » « J’interprétai d’abord cette phrase comme indiquant qu’il en était pour elle comme pour les autres humains communément exposés à ne pas appliquer dans leur vie les vérités qu’ils enseignent et qu’ils seraient heureux d’atteindre. Par suite, j’étais enclin à appliquer à Madame Blavatsky, le courageux Messager, cet indulgent jugement dont nous demandons le bénéfice pour nous-mêmes en pareil cas. » « Bientôt cependant, je commençai à me rendre compte par ma propre expérience qu’elle n’était pas ce qu’elle semblait être. Sur ce point je n’insisterai pas si ce n’est pour dire que la conviction que j’acquis m’amena à demander à H.P.B. de m’instruire ; et le fait que j’eus pleinement confiance et que je crus en elle fut précisément ce qui me valut la réalisation de mon désir. L’esprit de foi développe dans notre aura et dans nos corps subtils des états magnétiques et très attractifs très différents des états de contraction et de lourdeur que provoque l’esprit critique et de doute. Une véritable accélération vibratoire de mon aura et de mes corps subtils se manifesta et celle de mon aura était perçue même par des personnes à qui mes pensées et mes attaches théosophiques étaient complètement inconnues. […] » « La situation était alors celle-ci. J’habitais à une grande distance de Madame Blavatsky et elle mourut avant que je l’aie rencontrée. Je n’étais pas et je ne devins jamais un « psychique » dans le sens où ce mot est habituellement employé. Je n’ai aucun désir de posséder « des pouvoirs » et ne suis jamais demeuré en état de « méditation » ou de « concentration ». […] Je n’étais et ne suis pas végétarien. Je n’ai fait aucun vœu d’ascétisme. Je n’ai jamais fait dans ma vie d’expériences « psychiques »… « Quand H.P.B. m’eut accepté comme élève, aucune règle ne fut établie, aucun plan ne fut dressé. Je continuai à me livrer à mes occupations journalières et la nuit, lorsque j’étais plongé dans un profond sommeil, une vie nouvelle commençait. Le matin, en sortant d’un sommeil si profond que je conservais encore la position de la nuit, je me rappelais très nettement que j’étais allé auprès de H.P.B. et il en avait été ainsi. J’avais été reçu dans des chambres dont je pouvais donner la description – ainsi que je le fis d’ailleurs – à ceux qui vivaient avec elle, signalant même les endroits usés ou troués des tapis. A la première rencontre de ce genre, elle me fit savoir qu’elle m’acceptait comme élève et pas autrement. Après cela elle me reçut d’une autre façon, me montrant des images qui passaient comme des panoramas sur les murs de la chambre. » « Il y en a bien peu que je pourrais décrire avec des mots car ces apparitions comportaient simultanément : mouvement, vibration, formation d’un monde sortant du premier noyau, « Esprit se matérialisant » dans une forme, mouvement devenant conscience et se précipitant dans mon cerveau comme l’image d’un fait ou d’une vérité. […] Beaucoup d’autres choses, que je ne peux indiquer, me furent enseignées, telles que des événements à venir — qui sont actuellement en cours de réalisation — et des faits encore inconnus relatifs à la vie d’autres personnes de la S.T. » « D’autres fois, mais plus rarement, je me réveillais et voyais H.P.B. debout au pied de mon lit et, tandis que je me redressais en m’appuyant sur le coude, son langage par signes commençait. Les harmonies de la Nature remplissaient la chambre éclairée par la lune pendant que les merveilleuses images passaient sur le mur. Tout cela m’était parfaitement objectif. J’étais pleinement conscient de tout ce qui m’entourait, de tous les bruits naturels de la nuit […] Toutes les expressions du visage d’H.P.B. m’étaient devenues familières. Je la revois encore enveloppée dans sa vieille robe de chambre — quelle vieille robe jamais tant chérie ? — ouvrant l’espace devant moi et se montrant alors dans l’expansion de son être réel. » « J’ai à peine une demi-douzaine de lettres d’elle et ces lettres ne contiennent aucun enseignement ; elles ont trait aux affaires extérieures de la Théosophie et n’ont rien que cette particularité. […] » « Il y a des personnes qui espèrent nous faire croire que H.P.B. n’était rien de plus qu’un chéla (disciple) finalement rejeté. Mais actuellement les choses qu’elle a prédites continuent à se réaliser avec exactitude, même celles qui nous éprouvent, même certains événements auxquels H.P.B. nous avait préparés en nous avertissant à l’avance. Aussi, tout le tapage et tout le bavardage, l’agitation et les révélations, nous laissent-ils froids et les apôtres d’un enseignement révisé montrent qu’ils ignorent ce qu’elle a donné comme directives — directives qu’ils ne savent pas trouver. La preuve sans cesse renouvelée, la preuve toujours vivante, nous l’avons […] »
Constance Wachtmeister
Rudolf Steiner (1861-1925)
« Peu de jours après sa mort, Madame Blavatsky m’éveilla la nuit. Je me levai, n’éprouvant aucune surprise mais seulement le doux plaisir habituel. Elle fixa mes yeux de son regard léonin. Alors elle devint plus mince, plus grande et sa forme prit un aspect masculin ; puis, lentement, ses traits changèrent jusqu’à ce que j’eusse devant moi un homme de haute stature et plein de force. Les derniers traits de H.P.B. se confondirent avec ceux de l’homme et il ne subsista plus que le regard léonin avec le rayonnement pénétrant de ses éclairs. L’homme leva la tête et dit : « Témoignez ! », puis il sortit de la chambre, posant, en passant, la main sur le portrait de H.P.B. Depuis cette époque, il est venu me voir plusieurs fois pour m’apporter des instructions — en plein jour — pendant que je travaillais activement ; et une fois il sortit d’un portrait de H.P.B. » […] « Voilà quel était, dans les nuits harmonieuses, l’Enseignement de H.P.B. qui écrivait : « Mes jours sont mes Pralayas et mes nuits mes Manvantaras ». « Bénis vraiment sont ceux qui ont participé à ses Manvantaras et qui n’ont pas vu et cependant ont cru ».

R.S.[2]


[1] Reédition par « The Theosophical Publishing House » — 12 Bury Place  –  London WCIA 2LE (Royaume-Uni). [2] Rudolf Steiner (1861-1925) avait 25 ans lorsqu’il entendit parler pour la première fois d’H.P. Blavatsky en 1886.

La visionnaire

 
Helena à Londres
H. P. Blavatsky à 46 ans en 1877 (Londres)
Objet d’incessantes polémiques, accusée tantôt d’être une praticienne de magie noire, — les Mahatmas aussi furent accusés d’être des « sorciers » !… —, tantôt un médium sans scrupules, dans tous les cas un imposteur, rejetée par ceux-là même qui se targuaient d’Occultisme par crainte de la « concurrence » qu’elle représentait pour leur orgueil, Helena Blavatsky connut donc, un siècle plus tard, la réputation que l’ignorance de ses contemporains avait réservée à Cagliostro, le cachot et les tortures physiques en moins. Elle s’éteignit à Londres, le 8 mai 1891 emportant en elle ce qui, selon Platon, constitue un préjudice plus grave que celui d’être condamné à mort pour ses idées : la calomnie publique. Après sa mort on retrouva sur son bureau un papier portant inscrite une phrase qui peut être considérée comme un bref testament :

« Ceci est le Chemin, escarpé et épineux, environné de toutes sortes de périls, mais c’est le Chemin ; il mène au Cœur de l’Univers.

« Je peux vous dire comment trouver Ceux qui vous montreront la Porte secrète qui, seule, conduit à l’intérieur…

« Pour ceux qui vont plus avant, la récompense est indicible : le pouvoir de bénir et de sauver l’Humanité.

Pour ceux qui échouent, il y a d’autres vies lors desquelles le succès peut survenir ».[1]

  Mais la calomnie, pour dure qu’elle fût, ne vint pas de tous. Dans les décennies qui suivirent sa mort, l’influence d’Helena P. Blavatsky sur la Philosophie Ésotérique alla grandissant. Son livre, « La Doctrine secrète », divulgue pour la première fois trois aspects d’une Philosophie ésotérique entièrement originale : 1° Les « Stances de Dzyan »
Un extrait d’un Commentaire secret du Kandjur, le canon bouddhiste officiel, rédigé dans un langage symbolique archaïque : le Senzar. Ce Tantra associe l’étude des origines de l’Homme et du Cosmos. Il se présente comme la « Tradition orale de Shambhala », l’un des lieux mythiques correspondant à la « demeure » spirituelle du Bouddha, le nom étant emprunté à l’un des royaumes mythiques de l’antique terre de « l’Aryavarta », au nord de l’Inde. L’étude entreprise par le tibétologue David Reigle, autour des énigmatiques « Stances de Dzyan » et de la Tradition de « Shambhala », permet aujourd’hui de relier les sources de l’Enseignement transmis par Mme Blavatsky à une école du Kalachakra Tantra, d’accès aussi restreint que peu orthodoxe, selon les interprétations de l’école « hérétique » Jonangpa. Ce Tantra fait, en effet, un exposé totalement inédit du thème de la Cosmogénèse. (Voir « Authenticité des Sources de la Doctrine Secrète ») Dans « La Doctrine secrète », Mme Blavatsky relie ces données de Cosmogonie et d’Histoire Occulte de l’Humanité avec celles de la Science de son temps, notamment la théorie darwinienne de l’évolution.
2° La « constitution occulte de l’homme ».
Il s’agit de l’anatomie occulte de l’être humain, révélant les liens énergétiques qui unissent le corps physique au psychisme, au mental et à l’Esprit Infini. Ces enseignements, tirés du Bouddhisme ésotérique, donnent une description des différents états de conscience que l’on connaît dans la vie comme dans la mort. C’est dans ce contexte que le concept de Karma est exposé pour la première fois en Occident.
3° Le Symbolisme universel.
S’ajoutent les développements d’H.P.B. sur le Symbolisme, l’ensemble de la Doctrine pouvant être résumé en sept points reliant la Cosmogénèse à l’Homme, en intégrant leurs liens, qui constituent les Lois universelles fondamentales. Ce texte, joint à d’autres écrits d’Helena Blavatsky, va influencer tout la Philosophie spiritualiste occidentale, en amont de carrières philosophiques comme de celles de Rudolf Steiner et de Krishnamurti, tous deux Théosophes avant la création de leur propre système. Mais cette influence, d’après les remarquables recherches effectuées par Mrs Sylvia Cranston, se remarquera surtout chez les créateurs, ceux qui vont opérer la révolution des Arts plastiques, comme les Nabis autour deGauguin, également P. Klee, V. Kandinsky, P. Mondrian, Malevitch ; ils disent, voire écrivent, l’inspiration qu’ils doivent à Helena Blavatsky. Leur tentative de « désengagement » des formes de la matière pour atteindre à « l’essence du monde Idéal », clef de leur œuvre, a pour origine les écrits Théosophiques.
Mme Blavatsky se rencontre aussi, assez directement, au détour des pages d’écrivains de premier plan. Son influence sur la littérature anglo-saxonne s’avère considérable, notamment à travers le mouvement de la « Renaissance irlandaise » :
  • William Buttler Yeats, Prix Nobel de Littérature (1921), l’un des plus grands poètes lyriques anglais, est catégorique : « la Société Théosophique a fait plus pour la littérature irlandaise que Trinity College en trois siècles. » Pour lui, Mme Blavatsky — dont il a fréquenté le cercle privé, à Londres — était « un point d’interrogation… merveilleux à tous points de vue ».
  • T. S. Eliot, lorsqu’il écrira son poème fameux « the Waste Land », s’adonnera à l’étude de la Théosophie.
  • D. H. Lawrence lira avec conviction « Isis Dévoilée » et« La Doctrine Secrète ».
  • James Joyce aura également des contacts étroits avec la Théosophie et trouvera certaines de ses sources dans « Isis dévoilée », notamment le fondement de sa croyance en la réincarnation et au Karma.
  • Henri Miller citera « La Doctrine Secrète » dans son ouvrage « les Livres dans ma vie ». Miller aura même une étrange expérience, qu’il appellera sa « conversion » philosophique, où il aura d’H.P.B. « une vision aussi complète que si elle s’était trouvée dans la pièce. »
Albert Einstein, le scientifique (Prix Nobel de Physique en 1921) et Rabindranath Tagore, le poète mystique (Prix Nobel de Littérature en 1913)
Mme Blavatsky exercera également une influence moins connue sur le plus profond génie du XXe siècle : Albert Einstein. D’après un témoignage de sa nièce — qui se présenta dans les années 60 au Centre d’Adyar en précisant qu’elle ignorait tout de la Théosophie, et de la Société, mais qu’elle voulait absolument connaître cet endroit — il fut un lecteur assidu de « La Doctrine Secrète », le livre se trouvant souvent sur sa table de travail. Sans doute Einstein avait-il découvert cette œuvre par ses échanges avec l’astronome et physicien théosophe Gustav Strömberg. Notons que, parmi les lecteurs assidus ont également figuré le physicien Gustav Strömberg, l’astrophysicien Hubble et le Prix Nobel de physique Robert Millikan. Aujourd’hui, contrairement à l’idée que certains esprits se font, en Europe, du caractère obsolète de l’Œuvre de Mme Blavatsky, des chercheurs de haut niveau continuent de s’y référer aux États-Unis et d’en confirmer la fonction inspiratrice. Le livre est toujours autant prisé de chercheurs appartenant au Californian Institute of Technology et au célèbre Massachusetts Institute of Technology, où Mrs Cranston a constaté que des professeurs et étudiants en chimie établissent des projets pour effectuer des recherches sur les enseignements de « La Doctrine secrète » en rapport avec leur discipline. Dans le domaine de la biophysique, le Dr. Ruppert Sheldrake, lui-même lecteur convaincu du maître-livre d’H.P.B., soutient la thèse révolutionnaire des « champs morphogénétiques », lesquels reprennent le concept théosophique du « moule éthérique » servant de matrice à l’expression des formes. Mme Blavatsky disait, parlant en 1890 de « La Doctrine Secrète » :

« Ce n’est qu’au siècle prochain que les hommes commenceront à comprendre et à discuter ce livre avec intelligence »

Le présent lui donne raison…

Séparateur

La biographie la plus documentée parue récemment en langue française est celle qu’a écrite en 1992 N. R. Nafarre « Helena Petrovna Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » ; une deuxième édition, revue et augmentée, parut en 1995. C’est un magnifique travail de 669 pages, comprenant de nombreuses illustrations parmi lesquelles le portrait des deux Mahatmas, Instructeurs de la Théosophie, peint par Hermann Schmiechen en juin 1884. En langue anglaise — et malheureusement non traduit en français — les lecteurs intéressés pourront sans conteste lire l’excellent ouvrage de Sylvia Cranston « The Extraordinary Life & Influence of Helena Petrovna Blavatsky » – 641 pages – Ed. G.P. Putnam’s Sons – 200 Madison av. New York NY 10016).

[1] William Kingsland, « The real H.P. Blavatsky », Londres – Ed. J.M. Watkins, 1928.

 

Les Maîtres et H.P. Blavatsky

Si la question de l’identité des Instructeurs d’H.P.B. demeure à ce jour teintée de mystère cela tient essentiellement au fait que les « masques » employés par H.P.B. — seule source à leur sujet —, sont des « voiles » accumulés pour en éviter précisément toute identification et protéger la discrétion dont Ils s’entouraient. Ces données ne permettent aucun recoupement fiable mais de simples conjectures, dans l’hypothèse, au demeurant très fragile et parfaitement gratuite, qu’il s’agirait de personnalités repérables dans l’histoire indo-tibétaine ou proche orientale. L’identité — mais non pas l’existence — des « Maîtres de Mme Blavatsky » demeure donc une énigme, et le restera peut-être. (Voir « Les Maîtres de Sagesse ») Pour ce qui nous concerne ici, il nous faut comprendre les rapports que les Maîtres entretinrent avec H.P. Blavatsky et ce qu’Ils voulurent d’elle.

1 – Rapports entre les Maîtres et H.P. Blavatsky

A) – Il semble que ce fût d’abord des rapports de « protection ». Dès la tendre enfance d’H.P.B., les proches de celle-ci furent surpris par l’étrange protection qui semblait entourer leur parente qui, n’ayant peur de rien, battant champs et campagne en vrai garçon manqué, montant à cheval comme un cosaque, se trouvait souvent dans des situations très dangereuses. Les témoignages de sa sœur et d’autres membres de sa famille sur cette enfance et adolescence hors normes ont été fidèlement reproduits par A.P. Sinnett dans « La Vie extraordinaire d’Helena P. Blavastky » (Ed. Adyar). Sauvée mystérieusement d’une ruade de cheval lancé au galop, la jeune fille baignait constamment dans une atmosphère où « l’irréel », « l’immatériel » se mêlait sensiblement au vécu de l’existence concrète. Elle voyagea beaucoup, on le sait, et dans des conditions peu opportunes pour une femme… mais la « protection » la suivait toujours : « C’est ainsi que d’une façon ou d’une autre elle parvint toujours à s’en tirer sans dommages… ». (Cf. op.cit p. 45). En réalité, que ce fût dans sa tendre enfance ou dans son adolescence en Russie, ou plus tard au milieu des cercles magiques de Vaudou à la Nouvelle-Orléans, ou alors, sur les routes d’Égypte ou d’Asie, elle sentait et voyait Celui dont émanait cette Auguste Protection : « Elle avait la vision d’un protecteur âgée [qui lui paraissait âgé car elle était encore un petit enfant] dont l’aspect imposant dominait son imagination. Le protecteur était toujours le même, ses traits ne changeaient jamais ; plus tard elle le rencontra dans son corps physique et le reconnut comme si elle avait été élevée en sa présence ». (Cf. op.cit p. 33). B) – La rencontre et des rapports « d’instruction » H.P. Blavatsky s’est tellement acharné à voiler tout ce qui pouvait donner à quiconque une piste sur ses relations avec les Maîtres que même la première rencontre avec le Mahatma Morya est difficile à situer. Elle semble mélanger sciemment deux rencontres en en faisant qu’une : celle de juin 1850 et celle d’août 1851 (Voir « Éléments biographiques » et « H.P. Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » de N.R. Nafarre ») Quoi qu’il en fût, la rencontre, dans un corps physique et non plus en perception subtile, eut lieu à Londres. Par la suite elle rentra en contact avec d’autres Adeptes, tels Hillarion Smerdis, un Grec de Crête, Sérapis ; Ceux-ci oeuvraient la Grande Loge Blanche, dans la Section Égyptienne de celle-ci ; elle accomplit pour elle de nombreuses missions. Ces Adeptes ont laissé de nombreuses lettres qui révèlent les rapports qu’Ils entretenaient avec H.P.B ; puis avec le Colonel Olcott. (Cf. Lettres des Maîtres de la Sagesse – Édit. Adyar – 2 tomes). Puis, elle rencontra Celui Qui allait devenir « le 2e Instructeur de la Théosophie », le Mahatma Kout Houmi (K.H.). Elle-même précisa : « Il existe dans l’Himalaya un noyau d’Adeptes de différentes nationalités ; le Tashi Lama (Panchèn] les connaît et ils agissent de concert… Mon Maître [Morya] et K. H. comme plusieurs autres, que je connais personnellement, vont et viennent à cet endroit ». (Propos de H.P.B. dans la préface de l’édition chinoise de « La Voix duSilence » -1927). H.P.B. reçut un Enseignement Occulte directement des Mahatmas ; à ce sujet elle dit « Je n’ai jamais non plus reçu d’instruction « sous le toit » des moines.… J’aurais pu vivre dans une Lamaserie masculine, comme le font des milliers de laïcs, hommes et femmes ; et j’aurais pu avoir reçu là mon instruction… Mais je n’ai jamais rien prétendu de tel, et cela pour la simple raison qu’aucun des Mahatmas dont les noms sont connus en Occident ne sont des moines… ».

2 – Ce qu’Ils voulurent d’elle

Voir : Les Maîtres orientaux, et la Formation de la Société Théosophique

Résurgence de la Théosophie

à la fin du XIXe siècle

 

Reprenant le Flambeau laissé officiellement pour éteint au Ve siècle, Helena Petrovna Blavatsky divulgua les deux premiers aspects de la Théosophie Éclectique tendant à réconcilier toutes les religions dans un système fondé sur des Vérités Éternelles : Cosmogénèse et Anthropogenèse, soit la formation de l’Univers et des mondes ainsi que la genèse et la structure occulte des cinq règnes de la Nature, selon les diverses phases de leur évolution respective: minéral, végétal, animal, humain et « divin » car l’accomplissement final, pour ce cycle planétaire, d’un être humain a également été décrit, techniquement, méthodiquement, scientifiquement. 

Ces mots peuvent sembler abstrus et d’aucuns ne se sentiront pas concernés par cette énumération. Pourtant, là réside le plus beau cadeau que l’Humanité ait jamais reçu depuis fort longtemps… 

Ouvrant enfin grandes les portes des Temples de Traditions diverses, Helena P. Blavatsky décrypta, en un langage adapté au monde moderne, les Symbolismes multiples sous lesquels s’était exprimée la Connaissance Unique ; révélant le fil d’or qui les unissait tous, elle offrit aux hommes les Clés de la Compréhension de l’Univers afin que ceux-ci pussent appréhender le monde dans lequel ils vivaient, savoir ce qu’ils étaient et connaître le but qu’ils devaient atteindre individuellement (par la Voie accélérée dite « Initiatique ») ou collectivement (Voie lente de l’évolution globale décrite par phase)

L’Humanité venait de renouer avec ses Origines et avait un Devenir. L’Éternité de la Vie à conquérir par le développement de la Conscience n’était plus affaire de foi ou de dogme. Elle est le fondement même de l’Univers car telle est la Loi. 

Si Helena P. Blavatsky prononça le réquisitoire le plus solidement argumenté contre l’Église — et contre toute religion destructrice — ce ne fut pas pour ternir l’Image du Christ mais pour sauver celle-ci de l’utilisation malsaine qui en fut faite. « Les Prêtres vous ont affirmé l’existence de l’Enfer éternel auquel vous destinait une seule pauvre vie d’ignorance et donc d’erreurs; ils ont garanti leur service comme seul intermédiaire possible entre vous et votre salut, s’attachant à faire disparaître jusqu’aux traces, la Science des Mages et des anciens Hiérophantes qui avait le pouvoir de vous libérer de vos maux. » Voilà ce qu’en substance Helena P. Blavatsky écrivit.

Les Religions à travers les âges © Menly Hall
Les Religions du Monde
Illustration de Augustus Knapp
© The Philosophical Rechearch Society

Ce fut cette Vérité qu’elle redéfinit sous l’ancien nom de « Théosophie » et dans ce même contexte nous détenons d’elle la synthèse la plus brillante qui fût jamais faite des Religions, des Mythes et de toutes les Écoles Philosophiques passées. L’universalité de la véritable Connaissance venait d’être démontrée.

À l’instar des Professeurs de la Sagesse Antique, elle s’attacha à recourir sans cesse au stade atteint, dans son siècle, par la Science et l’expression de la spiritualité générale afin de restaurer à nouveau la Philosophie et l’ascèse conduisant aux Mystères. 

Cependant, en raison de la remise en cause fondamentale des anciennes structures que générait son Message (les religions et leurs églises respectives, les mouvements ésotériques occidentaux en mal d’un Judéo-Christianisme qu’ils tentaient d’ennoblir, les doctrines de l’Inde pétries dans une orthodoxie conservatrice et déviée, le spiritisme s’accrochant à des croyances malsaines, la Science engoncée dans le matérialisme, le positivisme et le mécanisme, enfin le sexisme s’exerçant à l’encontre d’une femme œuvrant dans un domaine que les hommes se sont réservé depuis toujours…), Helena Petrovna Blavatsky fut vilipendée. Mais ce rejet même plaide pour la grandeur de son travail car elle subit ainsi le sort que les hommes ont toujours réservé à ce qu’ils ne pouvaient immédiatement comprendre et qui dérangeait leur confort social, mental ou religieux. 

En conséquence, s’attarder ici sur le discrédit dont elle fut victime serait jeter sur la splendeur de l’Œuvre les vagissements de l’ignorance et l’aveuglement des passions. 

« Mes livres, disait-elle d’ailleurs, ne seront compris qu’à la fin du prochain siècle. » Nous y sommes. Elle aurait pu ajouter: « Mon œuvre et ma vie elle-même, tellement liée à Ceux Qui m’envoyèrent ne seront compris que dans un siècle ». Il est vrai que son Enseignement fait bonne récolte de nos jours et que l’insolite qui a pavé sa vie[1] est mieux à même d’être expliqué. 

Quant à aborder à présent, la problématique générée par Ceux Qui, à travers elle, délivrèrent cet Enseignement, — Ceux que l’on appela les Maîtres « de Mme Blavatsky »… —, « l’art d’agréer » vaut mieux que celui de « convaincre ». C’est pourquoi il appartient à chacun de forger ses propres convictions au regard de ce qu’il aura saisi du Message.

Mahatmas

En vérité, pour appréhender ces Grands Êtres, les critères de jugement de notre mental actuel ne suffisent pas car Ils ne sont perçus qu’à travers un certain battement du cœur et la transparence de l’esprit. Nous Leur devons, néanmoins, la charité d’avoir placé sous les yeux des hommes la Réalité Sublime de l’Adeptat, s’exposant ainsi Eux-mêmes à l’incompréhension du plus grand nombre pour le bénéfice du plus petit.

Cependant, des Écoles ont fleuri en faisant appel, à juste titre, aux « Maîtres », Ceux-là -mêmes qu’Helena. P. Blavatsky révéla au monde. Et en ces jours de mutations profondes, il semble que la notion de « Fraternité Transhimalayenne » devienne, pour un grand nombre, l’Espoir de renouer avec le Courant de Vie. 

A défaut de cette perception subtile, il est regrettable que les Maîtres et Leur Disciple aient été bannis par ceux-là mêmes à qui ils avaient enseigné. Si « nul n’est prophète en son pays », Helena P. Blavatsky ne le fut point dans la Société Théosophique.

Mais il fut écrit: « Périsse la Société Théosophique plutôt que de se montrer ingrate envers H.P.B. » Cette phrase, en raison de la qualité de son Auteur, a-t-elle eu le Pouvoir du Verbe ?[2] 

Toutefois, le Message d’Helena P. Blavatsky a pénétré une grande partie des mentalités. C’est une victoire, une victoire fabuleuse, lorsque l’on considère le sort affreux qui fut réservé à Cagliostro, pour ne citer que le dernier grand martyr de l’Inquisition…

Elle influença les philosophes, les artistes et les savants qui découvrent de plus en plus, — et l’expriment par des formules mathématiques — que la matière est « l’esprit densifié »… La notion « d’énergie » et de « vibration », quant à la définition d’une réalité donnée, nous vient de la Doctrine Secrète, œuvre maîtresse d’Helena P. Blavatsky. 

De plus, cette victoire est d’autant plus réelle que le messager semble oublié ou inconnu tant l’Enseignement s’est distillé dans le vocabulaire quasi-quotidien de ceux-là mêmes qui ne se targuent pas d’Occultisme. Ainsi entend-on de plus en plus fréquemment, même par les médias, dans le discours courant, les expressions suivantes, digérées, intériorisées, normalisées: « C’est mon karma ». «  Peut-être est-ce dans une vie passée que…  » « Une vision astrale », « mon corps astral », « une belle aura », etc. Et s’il arrive que certains, parmi le grand public, dénigrent « ce médium », voire « cet imposteur », ils n’ont pas moins intégré une série de notions psychologiques appartenant à la pensée blavatskienne. 

Par ailleurs, non seulement Helena P. Blavatsky désenclava, en Occident, les milieux poussiéreux de l’Ésotérisme mais elle fut la cause directe de l’essor extraordinaire de ce dernier. Dans les milieux des Ésotéristes, les plus sérieux ne peuvent pas manquer de se référer à son Œuvre; les plus négligents préfèrent annoncer les Vérités qu’elle a révélées, dans les termes mêmes de leur auteur, sans la citer ; certains même « créent » tout un système métaphysique, réplique exacte de son Enseignement, en déniant ouvertement leur source… 

Cela est, en réalité, sans importance. Existe-t-il un plagiat dans le monde des idées ? Celles-ci circulent… et bienheureux celui qui capte les plus sublimes. On se réchauffe du soleil sans même le voir, et on pense de plus en plus, sans le savoir, selon l’impulsion investigatrice donnée par le Message théosophique. Si les rayons éclairent, faut-il pour autant adorer le disque de lumière lorsque l’Esprit vivifiant est au delà de cette apparence? « La transcendance de la Doctrine salvatrice doit seule être considérée et peu importe ce qui advient de l’Émissaire ». Ce sont des propos qu’Helena P. Blavatsky aurait pu tenir. 

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Nous comprendrons donc que « la valeur de l’Enseignement Traditionnel que l’Humanité avait perdu pendant longtemps mais que les hauteurs du Tibet avaient préservé […] ». Il s‘est agi de susciter chez le lecteur de ces pages « hors de toutes querelles religieuses ou philosophiques, en toute vérité, une prise de conscience des possibilités qu’offrent les Enseignements divulgués actuellement — à l’instar du IIe siècle de notre ère — sous le nom de « Théosophie »

Appréhendant peut-être à présent la valeur universelle de ce qui est offert sous cette étiquette — séparatiste, par définition, et donc limitative — tout chercheur de bonne volonté s’empressera immédiatement de l’ôter car il aura compris que la Théosophie est la Science permettant d’accéder à la Sagesse Divine; il ne cantonnera plus celle-ci à une philosophie occulte, parmi tant d’autres, délivrée par une « dame russe » à la fin du XIXe siècle; bien au contraire, il saura qu’en réalité on ne peut s’affirmer Occultiste ou Ésotériste sans se dire « Théosophe ». 

Par la libération complète de la souffrance, cet Enseignement donne, en vérité, les prémisses fondamentales conduisant l’être humain « à la plus grande de toutes les victoires qui puissent échoir à un mortel »[3].

Et puissent Ceux Qui guident les destinées humaines vers cette Victoire accorder aux chercheurs sincères la Compréhension du Chemin et la Volonté d’y œuvrer afin de conquérir l’Espace et l’Éternelle Conscience »[4].

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[1] Voir « La Doctrine Secrète et Mme Blavatsky » de Constance Wachtmeister – Ed. Adyar et « Helena P. Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » de N.R. Nafarre – Ed. Nafarre.
[2] Lettre du Mahatma Morya n° 32. Lettres des Maîtres de la Sagesse, 2e série, p.68. de l’Éd. de 1926. [3] « Milarepa ou la vie de Jetsün Kahbum ». Éd. Maisonneuve. [4] Extrait du Prologue d’Alexandre Moryason écrit pour « Helena Petrovna Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » de Noël Richard-Nafarre – © Ed. Nafarre -1992

La Théosophie au cours des siècles

 

La transmission de la Théosophie, cet Enseignement sacré menant à la Sagesse Divine (voir « Qu’est-ce que la Théosophie ? ») à divers peuples, suivit, au cours des millénaires, deux voies divergentes :

1. — En Orient, originairement divulguée dans le nord de l’Inde, elle y survécut pendant des millénaires. Ce fut vers les Écoles secrètes Védiques — qui la détenaient originellement — que cette Connaissance, telle qu’elle était diffusée dans le monde méditerranéen, s’achemina dès la fin du IIe siècle de notre ère ; des sages, sauvèrent ainsi des manuscrits précieux que les remous de l’Histoire occidentale s’apprêtaient à détruire. 

Songsten Gampo
Le premier Roi Bouddhiste, Song Tsen Gam-po

Elle se concentra, à partir du VIIe siècle, au Tibet. Ce fut le premier Roi Bouddhiste, Song Tsen Gam-po, qui fit venir de l’Inde, à cette époque, des manuscrits inestimables et sauva donc ceux-ci de la destruction devant frapper par la suite, en Inde même, de nombreuses traces écrites de l’Enseignement. Naropa, l’Instructeur Indien, légua, au XIIe siècle, d’autres manuscrits à Marpa le Traducteur qui les ramena au Tibet. Lorsqu’au XVe siècle, le Grand Tsong Kaparé forma le Bouddhisme Tibétain, cette Doctrine — dans toutes ses disciplines : Cosmogénèse, Anthropogenèse, Médecine, Astronomie, Astrologie, Théurgie, etc. — était déjà entièrement sauvée de l’obscurantisme qui était tombé sur le monde. Le Tibet allait préserver ainsi, dans le silence de ses Monastères inaccessibles, la Mémoire humaine. » (Voir Authenticité des Sources de la « Doctrine Secrète »).

2. — En Occident. Par le cours de l’Histoire, cette Connaissance Globale Antique devint éparse et s’occulta de plus en plus car son fondement le plus efficace, la Théurgie, constituait un instrument de destruction aux mains d’hommes à l’éthique peu sûre, qui avaient accès d’une façon ou d’une autre à ce Savoir particulier, — ce pouvait être la caste des prêtres elle-même.

Ainsi, dès le XIVe siècle avant J.-C., l’accès à l’Enseignement de la Doctrine secrète dans les Temples d’Égypte devint de plus en plus difficile. Il existait, certes, et des Initiés célèbres, postérieurs à cette charnière du temps, reçurent leur formation, mais la quête de l’Initiation était devenue plus ardue et, au Ve siècle avant J.-C., même en Grèce, les Grands Mystères, Écoles de Sagesse secrètes, étaient déjà tombés, en réalité, en désuétude. Il en était de même des Écoles de Sagesse chaldéennes qui continuaient, via de nombreuses Sectes, à diffuser l’Enseignement, mais celui-ci était de plus en plus secret[1].

C’était donc cette Doctrine secrète que Pythagore de Samos divulguait à Crotone au VIe siècle avant J.-C. et dont Platon, qui avait beaucoup appris en Égypte[2], révélera un siècle et demi plus tard les aspects essentiellement philosophiques.

Ceux-ci recelaient notamment le concept de la Triple Nature Divine dont se sont emparés les Pères de l’Église, près de huit siècles plus tard, afin d’asseoir le Dogme de la Sainte Trinité. »

À Alexandrie d’ailleurs, un siècle avant J.-C., les Juifs divulguèrent un traité de Philosophie contenant les préceptes de l’École Platonicienne. Cet ouvrage devint pourtant, pour les Pères, « le Livre de Sagesse de Salomon » dont aucun original en hébreu ne fut jamais trouvé.

Toutefois, à la fin du IIe siècle de notre ère, la Doctrine secrète commençait à se restructurer en Occident. Elle était diffusée à Athènes et à Alexandrie où, Ammonios Saccas abordait dans ses cours, sous le nom de « Théosophie Éclectique », aussi bien la Cosmogénèse (Étude de l’Essence Divine infinie de l’Univers, Se manifestant par des Mondes: Mathématiques, Astronomie, etc.), l’Anthropogenèse (Étude l’homme en tant qu’aspect de l’Âme Universelle) et la Théurgie (Œuvre Divine permettant à l’homme de dépasser sa condition et atteindre le règne divin). Ce dernier ou troisième aspect de l’Enseignement, ainsi que l’appréhension exhaustive des deux précédents, était confidentiel. 

Cependant, la Théurgie, en raison de la confusion qui en était faite avec la sorcellerie, fut rejetée, dans un premier temps, par les disciples – mêmes d’Ammonios (Plotin, et le successeur de ce dernier, Porphyre); puis ceux-ci l’adoptèrent — mais jamais officiellement — à la suite de leur propre Initiation et du brillant exposé de Jamblique dans son « De Mysteriis » sur cette Science Divine.

Une diffusion plus ouverte de la Doctrine, fondée sur les Enseignements « exotériques » de Platon se fit au IIIe siècle et donna naissance à l’École « Néoplatonicienne ». Les textes et discours officiels de ces auteurs se référaient à l’aspect purement philosophique car les pratiques devant mener à l’extase — dont la « Catharsis » (purification) par la Théurgie — n’étaient pas divulguées. 

Un siècle après, à la fin du IVe siècle de notre ère, les Pères se résolurent à détruire le Platonisme et, dans ce contexte général d’ignorance violente, « la théorie de la persécution fut établie par Théodose dont les saints de l’Église ont loué la justice et la pitié[3].

ALex Serapeum
Ruines du Serapeum à Alexandriespan style= »color:#666666″>
Ptolémée Ier Soter décide vers 290 av. J.-C de la création à Alexandrie d’une bibliothèque universelle. Celle-ci, partagée en deux édifices, la « bibliothèque-mère », qui se trouvait à l’intérieur du Musëion ou « Musée », et la « bibliothèque-fille » au Serapeum, le temple du dieu Serapis. Elles n’étaient pas ouvertes au public mais réservées aux savants et contenaient quelques 700 000 volumes avant leur destruction par le feu en 391 de notre ère à l’instigation du patriarche Théophile. Ce patriarche, déclarant la guerre aux païens, fit détruire en 389 le Serapeum de Canope (l’actuelle Aboukir) et, deux ans plus tard, il s’en prend au Serapeum d’Alexandrie et aux deux bibliothèques.
C’est le premier autodafé !
Après Alexandrie suivront Pergame, Antioche, Rome, Constantinople…

C’était donc cette Doctrine qu’enseignait, en partie, publiquement, Hypatie dont le meurtre mit fin à la protection dont bénéficiaient les Adeptes de l’École d’Alexandrie, d’essence Néoplatonicienne en raison de l’heureuse influence qu’avait exercé la jeune femme sur Orestes, Préfet d’Égypte et résidant dans cette ville. Déjà, en 391[4], le Serapeum, « fille » de la Bibliothèque d’Alexandrie, qui contenait de précieux témoignages de la Connaissance, avait été mis en pièces et les parchemins jetés au feu[5]. Une horde de fanatiques avait tout saccagé, pendant que Théophile, son Évêque, « excitait l’assistance »[6] […] La mort atroce d’Hypatie, émissaire de la sagesse Antique à Alexandrie en 415 de notre ère reste donc le symbole du tournant décisif qui s’opéra au Ve siècle de notre ère quant à l’évolution ultérieure des peuples du Moyen-Orient et d’Occident.

Cette destruction, « dont les chefs spirituels de l’Église dirigeaient ou plutôt excitaient la furie »[7], substitua au « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’Univers et les Dieux », la devise qui allait gouverner les esprits jusqu’aux premiers pas de la Science Moderne: « Crois, sans chercher à savoir ». Étaient ainsi évitées des investigations très dérangeantes sur l’origine non seulement de certains dogmes du Christianisme mais aussi des Sacrements et du Cérémonial Théurgique de ce dernier.

Theophilus
Theophilus, Patriarche d’Alexandrie,
debout sur les ruines du Serapeum
(Fragment d’une chronique alexandrine du Ves.)

Ce détournement fut le fait volontaire d’hommes, avides de pouvoir, manipulant le plus grand nombre. Avec le temps, l’esprit d’inquisition et de soumission aux dogmes chrétiens instauré par la politique religieuse de Théodose 1er généra en Occident, au sein de l’Église « Catholique et Romaine », la torture et la mise à mort de tout contradicteur ainsi qu’un système pernicieux d’asservissement de la pensée collective en général et des dirigeants politiques en particulier.

Destruction longue et douloureuse qui fit périr sur des bûchers, errer sur les routes d’Europe ou fuir dans le monde musulman ceux qui s’adonnaient à la résurrection de cette Auguste Science! Et ce furent des philosophes arabes des Écoles de Cordoue et de Bagdad, qui réussirent à en sauver de précieux fragments… En réaction, certains hommes se réunirent, ils formèrent ainsi des groupes liés par serment de silence en raison de la terreur prévalante. Kabbalistes juifs et chrétiens, Soufis, Alchimistes, Mages, tous reformèrent la grande famille de l’Hermétisme, nantis de documents rescapés du ravage, généralement tronqués et dont le symbolisme sibyllin portait à interprétation diverse.

Les agissements de certains, commencés au IVe siècle de notre ère, puis poursuivis bien plus tard, portèrent donc préjudice au Christianisme, d’une part par la divulgation d’une doctrine dévitalisée de ses Sources Intelligentes et, d’autre part, par la cruauté exercée pendant des siècles. Mais, malgré l’horreur ici évoquée, le Message du Christ n’a pu être souillé: bien au contraire, il fonda la Quête spirituelle sincère de milliers d’hommes et de femmes et fit de certains des êtres d’exception, accédant même à l’Illumination.

La fusion de la Sagesse Antique avec les Fondements Christiques aurait pu être un instrument d’éducation accélérée des masses dont nombreux, selon les progrès individuels réalisés, auraient eu ainsi la possibilité d’accéder à l’Initiation d’une Connaissance plus haute et plus opérative.

La Théosophie, Science menant l’être humain à la Sagesse Divine et contenue dans sa Doctrine secrète n’est pas morte. Longtemps gardée sous le boisseau, elle fut portée pour la première fois à la connaissance du public à la fin du XIXe siècle par les Maîtres de Sagesse via Helena Petrovna Blavatsky.

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[1] Toutefois le Temple d’Héliopolis continua d’officier secrètement jusqu’à ce que Théodose 1er ordonnât la fermeture de tous les sanctuaires de la Vallée du Nil. [2] « Platon parcourut l’Égypte afin de recevoir des prêtres étrangers la Science des Nombres et des choses célestes » : Cicéron, « De Finibus », V, 25.
[3] Théodose 1er et ses édits, cités dans la note 6. Cf. E. Gibbon. Ibidem [4] Destruction du Serapeum : « A. Marcellin donne comme date 389 mais il parle du serapeum de Canope et Prosper 391pour celui d’Alexandrie. [5] Le Serapeum ou Temple de Sérapis se trouvait dans le quartier égyptien de Rhacotis. Il était dépositaire de milliers de rouleaux qui étaient des doubles de ceux que contenait le Musée. [6] Cf. Gibbon Edward, « Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire Romain » – Editions Laffont – Collection Bouquins. [7] Cf. Ibidem

Le mot « Théosophie » :

ses origines néoplatoniciennes (IIIe siècle apr. J.-C.)

 

L’étymologie grecque (« theou » – « sophia » = la Sagesse de Dieu ou la Sagesse Divine) de ce mot révèle clairement la « tonalité » du sens qu’il a revêtu au cours des siècles. Tonalité seulement, car sa signification originelle, telle qu’on la trouve pour la première fois dans les écrits du néoplatonicien Porphyre (234-305) puis des néoplatoniciens de sa suite, va s’altérer au point de perdre la grandeur initiale et la vastitude des possibilités spirituelles que sa pratique offrait à l’être humain.

A – Sens initial du mot « théosophie »

Bien que le mot en lui-même ne fût pas encore utilisé par Pythagore et Platon, il est patent que leurs Philosophie et Principes de vie se fondaient sur cette même « Sagesse Divine » dont la dénomination par le terme « Théosophie » fut promue, des siècles après eux.

Ce fut Porphyre, a-t-on dit qui, le premier écrivit ce mot. Toutefois Porphyre était le disciple de Plotin (206-270) lequel fut disciple du célèbre Ammonios Saccas d’Alexandrie (175-242).

Avec Ammonios, on touche le cœur du Néoplatonisme, la résurgence, pourrait-on dire, de l’École du Maître (Platon), celle-ci ayant été nourrie de Pythagorisme. Ammonios Saccas professait à Alexandrie un système philosophique tendant à réunir et à comparer tous les systèmes philosophiques et religieux connus dans le monde afin d’en dégager les similitudes et de démontrer qu’une Seule Essence Divine était à l’origine de tout système de pensée métaphysique ou de croyances religieuses et que c’était vers cette Unité Suprême que devaient tendre toutes les investigations et les efforts des êtres humains — par des rites et des pratiques ascétiques précises, dénommées « Théurgie » — afin de laisser émerger la Sagesse Divine endormie en chacun d’eux et se fondre dans l’Unique Sagesse Universelle. Selon Diogène Laërce (IIIe siècle ap. J.-C.), ce système — avec lequel la Théosophie résurgente au XIXe siècle renouera — fut attribué à un Prêtre égyptien nommé Pot-Amon qui vécut sous les Ptolémées dans les derniers siècles avant J.-C.

On n’a aucun écrit d’Ammonios Saccas mais on peut penser qu’il dût employer le mot de « Théosophie » — ceci est une hypothèse — afin de définir cette Quête Spirituelle pour que Porphyre — à travers son Maître Plotin — l’utilisât. L’Helléniste du XIXesiècle, Alexandre Wilder, décrivit le Néoplatonisme d’Ammonios Saccas comme d’une « Système théosophique éclectique », mentionnant plusieurs fois le mot « théosophie » pour tout ce qui se référait à cette Doctrine.

A la suite de Porphyre, l’usage de ce mot devint de plus en plus fréquent. A la notion d’ « extase » et de « mysticisme », s’y attachant initialement, s’agrégèrent les significations d’ « inspiration divine » (Jamblique, 250-325), de « théurgie » (l’Empereur Julien, 331-363), de « arcanes de la religion grecque » (Proclus, 412-465). Pour les derniers Néoplatoniciens (Ve-VIe siècles), l’acception générale de « doctrine spirituelle » ou de « théurgie en elle-même » finit par prévaloir.

Toutefois, dans toutes ces significations trois idées implicites dominaient :

  • tout être humain peut accéder à cette Sagesse Divine par des efforts et une ascèse personnelle ;
  • la Divinité à capter en Qui fusionner est la Même et unique pour tous les êtres, quels que soient leurs origines raciales, religieuses et culturelles et quelles que soient, aussi, les noms particuliers qui L’ont dénommée au cours de l’espace et du temps ;
  • cette Divinité ou Essence Unique de l’Univers n’est ni Père ni Mère mais les Deux à la fois.

B – Sens christianisé du mot « théosophie »

Ce fut avec le Pseudo-Denys l’Aréopagite[1] (Ve-VIe siècles) que le sens initial, le sens néoplatonicien s’altéra.

Le Judéo-Christianisme apporta deux notions qui aliénèrent complètement la vision d’Ammonios et de ses successeurs :

  • tout être humain ne peut pas accéder à cette Sagesse Divine ; c’est Dieu qui octroie une parcelle de Sa Sagesse à un être de son choix, un « élu » ;
  • la Divinité ou Dieu, détenteur de cette Sagesse, est Unique ; c’est celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et, par conséquent, de Jésus-Christ ; seuls ceux qui partagent le culte de ce Dieu sont considérés comme ses enfants ; le reste de l’Humanité est exclue ;
  • ce Dieu est Père, et seulement Père, la notion de Mère — ou d’Aspect Féminin de l’Univers — disparaissant totalement[2].

Cette nouvelle acception du mot « théosophie » fut celle qu’adoptèrent les Mystiques chrétiens de l’Europe depuis le Moyen-Âge jusqu’à — pourrait-on dire — nos jours pour ceux qui veulent délibérément ignorer l’apport fondamental dans ce domaine d’H.P. Blavatsky (Antoine Faivre, par exemple, qui, dans son article alimentant la rubrique « Théosophie » dans l’Encyclopaedia Universalis, n’accorde de crédit qu’à cette signification judéo christianisée, écartant le sens initial néoplatonicien et dénigrant ouvertement l’œuvre d’H.P. Blavatsky).

C – Résurgence du sens néoplatoniciendu mot « théosophie » à la fin du XIXe siècle.

Ce fut par « La formation de la Société Théosophique » qu’H.P. Blavatsky donna ce sens. Bien qu’elle ne choisît pas elle-même ce mot, elle en accepta la proposition — faite par le Colonel H.S. Olcott — car la similitude entre le travail qu’elle était chargé de faire et celui d’Ammonios Saccas était évidente.

Et de fait, lorsque l’on considère son œuvre, on perçoit clairement que l’universalité des croyances, des religions et des philosophies ainsi que la quête de cette Essence Unique Divine, recherchée par tous les êtres de quelque continent et de quelque temps que ce soit, ont été magistralement démontrées.

Aussi est-ce à juste titre que l’on parler de la « Résurgence de la Théosophie » au XIXe siècle sous l’égide de H.P. Blavatsky.

Pour une approche plus exhaustive des origines et évolutions de sens du mot « théosophie », il est recommandé de se reporter, à l’excellent travail de Jean Louis Siémons « Theosophia — Aux sources néoplatoniciennes et chrétiennes — IIe-VIe siècles » (Ed. Cariscript).


[1] Aréopagite : membre de l’Aréopage [du grec Areios pagos]. Dans l’Antiquité, on nommait une colline d’Athènes Areios pagos — d’Areios, « Arès » et pagos, « colline » — parce que l’on avait installé là le tribunal qui devait juger les affaires criminelles. Ces actes d’une extrême violence étaient donc associés au nom d’Arès, dieu grec de la Guerre (le Mars des Romains), et à arê, « malheur ».
[2] Excepté pour les Kabbalistes

Théosophie : Science des Lois Universelles

menant à la Sagesse Divine — Contenu exhaustif

A – Circuit emprunté par cette Connaissance au cours du temps

Issue du Nord de l’Inde, des centaines de milliers d’années avant J.-C., puis transmise à l’Égypte, à la Chaldée, et, comparativement de façon plus récente, en Grèce, la Connaissance des Lois Universelles régissant l’Univers (le Macrocosme) et l’homme (le Microcosme) ainsi que la mise en œuvre de celles-ci (donc les pratiques liées à l’ascèse fondant l’évolution harmonieuse de l’être) était dispensée dans des Temples auxquels pouvaient accéder tout homme et toute femme instruits et dont l’éthique intègre était solidement établie.

Cette Doctrine était secrète et seules les élites en bénéficiaient car les masses, encore incultes car soumises, pour la plupart, à un statut social inférieur empêchant toute instruction, devaient être préservées de toute utilisation destructrice de ce Savoir. Aussi, se manifestait-elle pour le peuple sous la forme d’une « religion », celle-ci n’étant que l’expression allégorique des Lois Universelles. En réalité cet Enseignement était unique et commun à tous les peuples mais il empruntait, pour se concrétiser, un symbolisme adapté à la nature propre des ethnies contactées. C’est pourquoi, sous des apparences multiples, la même Vérité était diffusée. 

S’agissant de l’ensemble des Lois de l’Univers, la Doctrine secrète englobait donc, dans son champ d’appréhension, tous les Plans existant dans le Cosmos et, en conséquence, ce que nous nommons « matière » et « esprit » :

  • Elle expliquait « les Mathématiques sacrées » ou « Science des Nombres » — et son complément indispensable, l’Astronomie — qui permettait de comprendre l’ordonnancement des Énergies et des Mondes, appelés aussi « Dieux » et de ce symbolisme vint le mot « Théogonie » : la « Genèse des Dieux ». Explicitant le monde dense dans lequel nous vivons, elle enseignait les Mathématiques « terrestres », et considérant l’action des Forces Cosmiques sur les êtres et les choses, elle s’adonnait donc aussi à l’Astrologie.

  • Connaissant les propriétés cachées des trois grands règnes de la Nature et les forces du psychisme humain, elle offrait une Médecine efficace et l’anesthésie par hypnose; s’agissant d’accélérer l’évolution de la matière en opérant une mutation de l’électromagnétisme initial inhérent à celle-ci, elle permettait d’œuvrer tant sur les minéraux (transmutations métalliques), les végétaux, que sur le corps humain (absorption de certaines substances); elle divulguait ainsi les principes de l’Alchimie.
  • S’attachant au « bonheur » véritable de l’homme, elle offrait à celui-ci les moyens de maîtriser — par la mise en pratique de la Connaissance théorique — en premier lieu sa propre nature et ensuite son environnement, en divulguant les deux Phases de la Magie ou Théurgie :

  1. La Purification ou Art de soumettre l’Électromagnétisme individuel à l’action de l’Électromagnétisme Universel afin de dénouer l’entrelacement névrotique des énergies structurant le psychisme et l’intellect et de permettre ainsi l’émergence de la Divinité en l’homme. Sont incluses entre autres dans ces techniques la concentration, la méditation ainsi que l’action du souffle, de la visualisation et de certains Sons, sur certains centres subtils de l’être humain.

  2. L’action sur l’environnement (guérison, matérialisation, etc.), par la mise en œuvre — via le Pouvoir du Verbe ou d’êtres subtils planétaires et de hiérarchies élémentales — de l’Électromagnétisme Universel agissant dans ses spécificités.

Fondée sur des Rites, une Gestuelle précise et l’usage de figures géométriques, la Théurgie était « cérémonielle » ou « opérative » ; utilisant la Science du Verbe, elle mettait en œuvre la véritable « Kabbale » laquelle est la Science ou Connaissance du verbe (ou le Pouvoir inhérent au Sons universels[1]).

 Cet Enseignement diffusait, en conséquence, les fondements, non seulement de ce qui est devenu aujourd’hui la « Science Moderne », dans les multiples domaines de cette dernière, mais aussi de la constitution complexe des êtres et du principe essentiel qu’est, dans l’Univers, le phénomène de la Conscience. »

De cette exhaustivité résultait un pouvoir d’agir sur la matière ainsi que sur la structure subtile de l’être humain que la Science occidentale et les Religions ignorent encore.

B – Théosophie et accès à la « Sagesse Divine »

Parce qu’elle offre une Connaissance des Lois régissant l’Univers et l’être humain, sur tous les plans d’existence de ce dernier (physique, mais aussi psychique, mental et spirituel) ainsi que la mise en œuvre de ces Lois (Magie Divine ou Théurgie[2]), la Théosophie est la Science qui d’accéder à la Sagesse Divine.

En effet, l’assimilation intellectuelle de cette Connaissance développe les facultés très subtiles du lecteur, son intuition augmente au fil de ses acquis mentaux et si, par chance, celui-ci adhère à quelque pratique sérieuse et authentique (Médiation bouddhiste mahâyânique, Magie Divine de Purification personnelle, etc.) il transforme littéralement sa structure : physique, psychique, mental ce qui donne, à terme, des résultats d’ordre profondément spirituel.

En conséquence, la Théosophie moderne est la résurgence de l’Enseignement de deux Aspects de la Connaissance que divulguait publiquement la Théosophie éclectique, il y sept siècles :

  1. la Divinité et à la formation de l’Univers (Cosmogénèse) ;
  2. la formation de l’être humain et son évolution (Anthropogenèse)

Quant au 3e Aspect, la Théurgie, elle faisait l’objet — à cette époque néoplatonicienne — de beaucoup de discrétion et n’était divulguée que de façon très secrète. La Théosophie moderne garde cette même discrétion et n’offre au grand public aucune pratique liée à cet Aspect.

C’est donc par l’étude des sciences métaphysique et la pratique théurgique que la Sagesse Divine s’acquerra, peu à peu, sur ce Chemin, difficile, il est vrai, mais menant sûrement au Bonheur Suprême lié à l’Adeptat (voir « Maîtres de Sagesse »). Car, de fait, qu’est ce dernier, sinon l’état de celui ou de celle qui a maîtrisé la totalité de sa structure (les Théosophes diraient : des « Principes » composant l’être humain).

Et en vérité, par la libération complète de la souffrance, tellement liée à la condition humaine, cet Enseignement donne les prémisses fondamentales conduisant l’être humain « à la plus grande de toutes les victoires qui puissent échoir à un mortel ». » (Vie de Jetsun Kahbum Milarepa, Ed. Maisonneuve).

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[1] Voir « La Clé de la Véritable Kabbale » de Franz Bardon – Éd. A. Moryason – 1999
[2] Toutefois, cet aspect de la Théosophie, diffusé discrètement au IIe siècle de notre ère, ne sera pas encore repris au XIXe siècle

Une étrange prophétie …

Sur la formation de la Société Théosophique

Au milieu du XIXe siècle, un indien Tamil[1], homme de Dieu, poète et alchimiste, connu sous le nom de Chithambaram Ramalinga Pillay Avergal, parcourait l’Inde du Sud en enseignant, prêchant et chantant la Gloire du Divin. Il était crédité de quelques pouvoirs yoguiques, dont le plus curieux était sans conteste sa capacité à neutraliser les appareils photo. Aucun photographe n’avait jamais réussi à saisir la véritable image du Swami ; son visage, ses mains et ses pieds disparaissaient toujours de la plaque, laissant un halo blanc.
ramalingar
Représentation symbolique de Chithambaram Ramalinga Pillay Avergal – (1823-1874) connu aussi sous le nom de Jothi Ramalinga Swami ou Vallalar Ramalingar
Le thème qu’il prêchait le plus vigoureusement était celui de la Fraternité Universelle. Il créa une Société pour mettre en pratique les Principes d’une telle Fraternité et propager les vraies doctrines Védiques. Mais, bien que de nombreuses personnes se soient assemblées autour de lui pour être témoins de ses miracles et obtenir quelques bénéfices de ses pouvoirs, elles ne  voulurent pas réellement mettre en pratique ces Principes de Fraternité qui faisaient appel à trop de sacrifices personnels, tels le bien-être ou la richesse. Peiné et peut-être déçu par cet échec, le Swami dit un jour à ses auditeurs qu’ils n’étaient pas dignes d’être membres de sa Société. Mais il leur assura qu’une vraie Fraternité existait. Elle était dans le lointain Nord de l’Inde, et ses Enseignements seraient en leurs temps étendus dans toute l’Inde et à l’étranger. Le Swami prophétisait que, quelques années après son propre trépas, une personne venant de Russie et une autre d’Amérique viendraient en Inde et lanceraient un mouvement pour l’identification et la compréhension de la Fraternité Universelle. D’autres étrangers les rejoindraient et aideraient à faire connaître les Grandes Vérités qu’il avait lui-même échoué à propager. Ce mouvement serait inspiré et stimulé par la Grande Fraternité du Nord lointain. Beaucoup de miracles seraient accomplis en Inde et les Doctrines seraient déployées dans le monde entier. Ramalingar Pillay, comme « une Voix criant dans le désert », parlait à cet effet de ses prophéties en maintes occasions. Le premier de ses nombreux disciples à les rapporter était un pandit Tamil du « Presidency Collège » de Madras qui écrivit un article sur Swami Ramalingar Pillay pour « The Théosophist » de juillet 1882. (Voir cet article traduit en français) Aussi intéressant que sa prophétie furent les conditions de sa mort. Durant un an ou deux il avait annoncé son intention d’entrer en Samadhi permanent. En janvier 1874 — soit neuf mois avant la rencontre de la Comtesse Helena Petrovna Blavatsky avec le Colonel Henry Steel Olcott[2]  destinés à l’accomplissement de sa prédiction — il mit son projet en œuvre. « Le 30 de ce mois (janvier), à Metucupam, nous avons vu notre Maître pour la dernière fois » écrit le pandit Tamil. « Choisissant une petite bâtisse, il entra seul dans la pièce et, après un adieu affectueux à ses chelas, il s’est étendu sur le tapis. Ensuite, selon ses ordres, la porte fut fermée et l’on mura l’unique ouverture ». Conformément à ses instructions, aucun de ses disciples n’essaya d’ouvrir la pièce. Mais après environ un an la porte fut forcée sur ordre des autorités britanniques. Rien ne devait être vu sinon une pièce vide. L’Administrateur en chef[3] du district, M.J.H. Garstin, I.C.S.[4], soupçonnant une grossière supercherie, ordonna une recherche approfondie dans la place. Mais aucune trace du vieux sage et saint poète n’a jamais été trouvée. « Les composants de son corps ont été rendus aux éléments originaux », dirent ses disciples. L’événement fut dur à accepter pour les deux fonctionnaires britanniques du secteur, Mr Garstin et le médecin militaire du district. Mais sans doute avaient-ils compris que la Loi scientifique, dans l’Inde populaire du XIXe siècle, se confond souvent avec le bon sens. Ils déclarèrent donc officiellement que Ramalingar Pillay était un très grand saint. Les rapports du district rapportent même que les deux fonctionnaires britanniques contribuèrent financièrement pour une cérémonie durant laquelle une foule de pauvres gens a été alimentée en l’honneur de sa mémoire.


[1] L’état du Tamil Nadu se trouve à l’extrême sud-est de l’Inde et avait pour capitale Madras au XIXe siècle (Chennai aujourd’hui). Le Tamil Nadu est sans doute l’État le plus typiquement hindou, car contrairement au nord de l’Inde, le sud a peu subi l’influence musulmane des Moghols en conservant son architecture dravidienne, témoignage de la richesse et de la puissance des dynasties qui s’y sont succédées au moyen-âge (Pallava, Chola, Pandya…). C’est également dans cette province, près de  Nilgiris, que se déroule le fameux récit d’H.P.B. « Au pays des montagnes bleues » qui évoque de mystérieux aborigènes « blancs », les Todas. [2] Ils se rencontrèrent le 14 octobre 1874 à Chittenden dans le Vermont aux États-Unis. Pour la petite histoire, il est intéressant de noter que Ramalingar Pillay disparut à l’âge de 51 ans dans la province du Tamil Nadu et que huit plus tard, en 1882 et à 51 ans, Mme Blavatsky et le Colonel Olcott, initialement établis à Bombay, s’installèrent à Madras pour y fonder le Siège international de la Société Théosophique dans le quartier d’Adyar. [3] Le titre exact de cette charge dans les Indes anglaises est Collector, fonction qui correspondait originellement au collecteur d’impôts [4] Covenanted servants, ou ICS désignait les fonctionnaires travaillant pour le Secrétariat d’État des Indes.

Les Maîtres orientaux

et la Formation de la Société Théosophique

La Société Théosophique naquit officiellement le 17 Novembre 1875 à New York. Elle fut fondée par plusieurs personnes dont Helena Petrovna Blavatsky, Henry Steel Olcott et William Quan Judge.

« Ce récit de l’origine et de la naissance de la Société est fort prosaïque et manque tout à fait du caractère sensationnel qu’on lui a parfois attribué. Mais il a le mérite de l’exactitude historique, car écrivant de l’histoire et non du roman, j’ai dû m’en tenir à ce que rapportent nos procès-verbaux et je peux prouver mes dires un à un. » (Cf. « Histoire authentique de la Société Théosophique » de Henry Steel Olcott — chapitres IX, Traduit de l’anglais par M. La Vieuville — Ed. Publications Théosophiques – Paris 1907).

La description de cet événement nous est donné par un des principaux Fondateurs, H.S. Olcott, dans « Old Diary Leaves ».

Une remarque s’impose : à la lecture des pages écrites par H.S. Olcott, il pourra apparaître à un esprit peu amène et critique à l’égard des Fondateurs que tout ceci ne fut qu’une improvisation assez inconséquente et que ce ne fut que plus tard — bien après 1875, donc — que s’élabora l’idée d’une « Mission », délivrée par les Maîtres aux dits Fondateurs, de créer pareille Société, devant porter tel nom, etc.

H.P. Blavatsky confia à la Comtesse Wachtmeister que lors de sa rencontre avec le Mahatma Morya à Londres en 1851, — vingt quatre avant, donc, la création de la Société Théosophique — ce dernier lui demanda sa coopération pour un travail. C. Wachtmeister écrit : « qu’il [le Maître] voulait lui [à H.P.B.] demander sa coopération pour un travail qu’il allait entreprendre. Il lui apprit que la Société Théosophique allait être formée et qu’il désirait qu’elle en fût la fondatrice. Il lui fit clairement entrevoir tous les soucis qu’elle aurait à endurer et lui dit aussi qu’elle devait passer trois années au Tibet afin de se préparer à cette tâche importante. Après trois jours de sérieux examen avec son père [le Comte Hahn, accompagnant sa fille à Londres] H.P.B. se décida à accepter l’offre qui lui était faite… » (« La Doctrine Secrète et Madame Blavatsky » de C. Wachtmeister -Ed. Adyar — p.85).

Au regard de ce qu’écrit le Colonel Olcott à ce sujet, il est patent que celui-ci ne voulût pas par trop s’étendre sur des motifs plus profonds, d’un ordre plus « occulte », ayant trait à cette Fondation qui semble si spontanée.

Par ailleurs, il sera intéressant de savoir que les Maîtres donnent au Disciple un « Plan Général », « une vue d’ensemble » du Message à délivrer, du travail à faire mais que, en ce qui concerne la mise en place de tout ceci, la forme dans laquelle se « coulera » le Message, le Disciple est totalement libre et… responsable.

Il ressort donc qu’un Plan de Travail existait dans l’esprit des Mahatmas mais que la forme par laquelle ce Plan se réaliserait restait de l’initiative d’H.P.B. : la formation de la Société Théosophique, par exemple; H. P. Blavatsky aurait pu écrire les ouvrages que nous connaissons et en rester là, quitte à les défendre ensuite par des articles ou par la création d’un journal non nécessairement lié à une Fraternité comme le furent « The Théosophist » ou « Lucifer ». Ce furent plutôt les circonstances qui dictèrent, ainsi que le compte rendu du Colonel Olcott le laisse voir, la formation de cette Société ; quant aux livres, ils furent écrits, nous avons assez de témoignages à ce sujet, sous l’égide des Adeptes ; toutefois, même en ce qui concerne ces écrits, la situation n’était pas fixée d’avance ; en effet, « La Doctrine Secrète » est une réponse aux réactions favorables qu’a suscitée dans le public la parution d’ « Isis Dévoilée » et il semblerait que ce fût à la fois cet accueil et cette faveur de l’Humanité envers la Connaissance qui incitèrent les Adeptes à aller plus loin dans l’ouverture partielle des Annales Occultes de notre planète. Ils voulurent donc « La Doctrine Secrète » : « Je n’ai pas entrepris de réécrire et de m’engager dans les ennuis de ce livre infernal pour ma douce joie… Le Maître ordonne et veut qu’il soit écrit et je le ferai… » écrit H.P.B. à A.P. Sinnet (Cf. Letters of H.P.B. to A.P. Sinnet, pp. 87-89). Quant au Colonel Olcott il confie à son journal du 9 janvier 1885 : « H.P.B. a reçu du Maître M. le plan pour La Doctrine Secrète. Il est excellent…. » (Cf. H.S. Olcott, op. cit.).

Toutefois, une fois créée, la Société Théosophique devient, pour les Adeptes, le vecteur de la divulgation de l’ancienne Théosophie (voir « Qu’est-ce que la Théosophie ? » et ceci est bien logique : le disciple choisit un mode d’expression pour accomplir le travail qu’Ils lui ont confié et une fois ce mode déterminé, Ils le soutiennent. D’ailleurs le Mahachoan dit « La Société Théosophique a été choisie pour constituer la pierre d’angle, le fondement des futures religions humaines. » (Lettres des Maîtres de la Sagesse — Ed. Adyar – t. 1 – p.13).

De fait, le « temps était venu » car, selon les injonctions de Tsong Kapa (XVe siècle), la Confrérie secrète d’Adeptes transhimalayens — nommée aujourd’hui « Grande Loge Blanche » — devait, au cours de chaque dernier quart de siècle, délivrer un Enseignement susceptible d’aider l’Humanité, par la Connaissance, à progresser spirituellement et à se délester, donc, de ses appétits matériels.

H.P. Blavatsky elle-même précise : «Pendant le dernier quart de chaque siècle, ces « Maîtres », dont j’ai parlé, font une tentative en vue de favoriser, d’une façon nette et marquante, le progrès spirituel de l’Humanité. Vers la fin de chaque siècle, vous trouverez invariablement un déversement d’énergies ou un bouleversement dans le sens de la montée dans le domaine de la Spiritualité ou, si vous préférez, du Mysticisme. À ces époques, une ou plusieurs personnes se révèlent dans le monde comme agents des Maîtres et on voit se répandre, sur une échelle plus ou moins grande, un Enseignement et une Connaissance occultes. Si vous en aviez l’envie, vous pourriez suivre la trace de ces mouvements en remontant de siècle en siècle aussi loin que s’étendent les annales historiques détaillées que vous possédez ». (Cf. « La Clé de la Théosophie » — Ed. Adyar – p. 319).

Que ce Message réussisse d’une part à passer au moment où il est délivré et, d’autre part, à porter ensuite ses fruits, là est vaste problème ! En effet, les « forces adverses », tapies au fond de l’inconscient humain, se galvanisent toujours pour faire obstacle à tout changement de sa propre nature ; par conséquent, l’Histoire montre qu’un décalage existe toujours entre le moment où le Message est délivré et celui où il commence à être accepté et utilisé par l’Humanité ; dans ce processus, la plupart du temps, l’Émissaire est mis en pièces…

Ce Message peut prendre la forme de la création d’une Organisation Occulte, ou bien d’une influence tendant à changer l’ordre politique, ou encore à délivrer publiquement un Enseignement. Nous pouvons considérer quelques exemples touchant les six derniers siècles :

  • dernier quart du XVe siècle : la Fraternité Rose+Croix, initiée par Christian Rozenkreutz en Allemagne en 1459 commence à émerger en Europe ; à la même époque, Theophrast Bombast von Hohenheim, dit « Paracelse » (Kabbaliste, Alchimiste, etc.) évite le bûcher et fonde la véritable médecine.
  • dernier quart du XVIe siècle : l’Europe des Hermétistes continue de s’organiser clandestinement et Giordano Bruno enseigne publiquement le Platonisme, réhabilite le Paganisme Antique et sa Sagesse et tente secrètement une marche armée sur Rome afin de détrôner l’imposture papale[1] ; nous savons comment il finit, emporté par les flammes du bûcher, par un sinistre jour de janvier 1600, au Campo dei Fiori à Rome.
  • dernier quart du XVIIIe siècle : le Comte de Saint Germain tente, en vain, d’inspirer à Louis XV des changements impératifs en matière politique ; cette tentative restera aussi vaine auprès de Louis XVI qu’il ne put rencontrer que de Marie Antoinette, qu’il rencontra mais qui ne le crut pas. A la même époque, soutenant ce Programme de Réformes, via les Loges Maçonniques, A. de Cagliostro tente, en vain aussi, de délivrer un Enseignement véritablement occulte à ces Loges ; dépassant les nécessités politiques du moment, sans les négliger, il essaie de montrer qu’un Savoir Ancien sous-tend toutes les Religions et que l’Égypte est, pour l’Occident, le berceau de sa Sagesse perdue. Comment tout cela finit-il ? Par une Révolution sanglante non voulue (les Réformes étaient voulues) et le rejet de tout Occultisme dans la Maçonnerie. Le premier, traité d’imposteur, disparut aux yeux de tous ; le second, torturé, enfermé dans un cachot, vit son honneur discrédité (un « imposteur », un « charlatan », etc.) et, ce qui est pire, le Message exclu. Toutefois, à partir de cette fin de siècle, les données changent, les mentalités se bouleversent : la Révolution a fait malgré tout son œuvre et les esprits ont soif de connaissances, voulant en finir avec l’obscurantisme ecclésiastique imposé dans les siècles précédents. La liberté politique gagnée ne peut que marcher avec la liberté de penser et d’apprendre. (Voir « Le Programme des Adeptes »)
  • dernier quart du XIXe siècle : il fallait reprendre le flambeau et continuer à enseigner à cette Humanité rebelle, victime de ses Institutions (l’Église qui persiste, la Science matérialiste qui pointe) et aussi des rejets suscités par son ignorance. C’est à ce moment précis de l’Histoire européenne que se situe « le Travail » des Maîtres confié à H.P. Blavatsky. Nous connaissons l’issue de ce Message : discréditée, l’Émissaire mourut alors que le grand public la traitait d’ « imposteur ». Reconnue pour ce qu’elle était vraiment par ceux qui la connurent de près, par les authentiques spécialistes en matière de Tradition occulte (le IXe Panchen Lama, Daisetz Teitaro Suzuki, le Lama Kazi Dawa Sandup, Eugène Burnouf, Mohandas Karamchand Gandhi[2], etc.) et par les scientifiques à l’esprit en quête de vérité (Camille Flammarion [astronome], Thomas Edison [inventeur], Gaston Maspero [égyptologue], Albert Einstein [physicien], Max Plank, Sir William Crookes [chimiste et physicien], etc. — Voir Helena Petrovna Blavatsky — Éléments biographiques), H.P. Blavatsky et son œuvre commencent — seulement en cette fin de XXe siècle ainsi qu’elle l’avait prédit — à être perçus du grand public.

Ce « Plan de Travail » des Maîtres consistait à délivrer :

  • d’abord une autre approche du Spiritisme
  • puis un Enseignement devant éclairer la pensée spirituelle de l’Occident sur des vérités occultes.

1° — Une autre approche du Spiritisme. Pourquoi commencer par le Spiritisme ? Parce que le phénomène de la mort sensibilise tout un chacun et nul ne peut rester indifférent devant la perte d’êtres chers et devant l’issue de sa propre vie. Savoir que l’être humain n’est pas uniquement un amas de chair, de viscères, d’organes, d’os et un flot de sang mais aussi un ensemble constitué d’une substance subtile — invisible — dont la subtilité d’ailleurs suit une gradation continue en ténuité, ce tout servant de support, de « véhicule » à l’Esprit Unique, voilà un message que ce XIXe siècle par trop positiviste devait entendre. En effet, depuis Lavoisier, la Science prit un cours matérialiste et la négation de l’existence d’un monde invisible devenait l’assise de toute pensée « sérieuse ». C’était faire peu de cas de la souffrance humaine face à ce néant noir qui devait s’ouvrir devant chacun, pensait-on, après la mort.

D’un autre côté, les séances spirites, très à la mode depuis le XVIIIe siècle, étaient, du point de vue occulte, de véritables nids de vipères : le médium ne savait pas vraiment ce qui lui arrivait, ce qu’il subissait ou non, qui se manifestait véritablement — quelle était « l’identité » réelle du revenant — au cours de la séance et ce qu’il advenait de sa propre énergie vitale et de celle des assistants. Les spirites, de plus, croyaient que le « royaume des morts » était l’authentique « royaume spirituel » avec toute la connotation positive que ce dernier adjectif implique. Ils s’ouvraient ainsi, sans le savoir, à de véritables impostures opérées par ces entités évoquées dont les messages étaient reçuscomme le Saint Sacrement…

Rassurer, par conséquent, ceux qui croyaient douloureusementen un néant post-mortem et enseigner aux spirites les rudimentsdes Sciences Occultes.

C’est ce que réalisa H.P.B. — ou tenta de réaliser — d’abord au Caire (où elle échoua) puis aux Etats Unis à partir de 1874 — avec succès, cette fois-ci — lorsqu’elle rencontra le Colonel Olcott à la ferme des Eddy. Une grande partie de leur travail, jusqu’en 1878, fut consacrée à cette partie du « Plan ».

2° — Un Enseignement devant éclairer la pensée spirituelle de l’Occident sur des vérités occultes.

L’éveil de la pensée occultiste, dès la fin du Moyen-Âge et pendant les siècles suivants, infusée par les Rose+Croix, les Alchimistes, les penseurs et théurges (commeG. Bruno, le Comte de Saint Germain et le Comte de Cagliostro,etc.), enfin par la publication de toute une littérature mi-souterraine qui attisait les esprits ( le XVIIIe siècle en fut friand ; que l’on songe au succès du livre de Montfaucon de Villars, « Le Comte de Cabalis »…), fit de la fin du XIXe siècle un terrain propice à l’émergence d’un Enseignement plus complet, plus « coordonnateur » des éléments épars et tronqués de l’Hermétisme occidental que celui-ci véhiculait depuis la mise à mort de la Sagesse Antique dès le IVe siècle de notre ère.

C’est ce que H.P.B. réalisa :

  • en créant avec le Colonel Olcott la Société Théosophique (1875) ;
  • en écrivant « Isis Dévoilée » (1877) ;
  • en enseignant la Doctrine Hermétique — à partir de 1878 — par des conférences aux Indes et des articles publiés dans un journal nouvellement créé « The Théosophist », puis dans « Lucifer » ;
  • en rédigeant son œuvre magistrale qui contient des révélations uniques sur l’Histoire occulte de l’Univers et de notre planète : « La Doctrine Secrète » ;
  • en poursuivant cet Enseignement aussi bien auprès de disciples que dans le Cercle privé, à Londres, un peu avant sa mort.

Dans une lettre conservée dans les Archives d’Adyar à Madras (Inde) datée du 24 février 1888, H.P. Blavatsky confie :

« C’est moi qui ai introduit la preuve de nos Maîtres au monde… Je l’ai fait parce qu’Ils m’ont envoyée pour faire le travail comme une expérience neuve au XIXe siècle et je l’ai fais aussi bien que je savais… ».

A l’instar, donc, de ses prédécesseurs des siècles passés, H.P.B. accomplit le « Travail » des Maîtres pour ce qui concerne son propre siècle et, à l’instar de ces mêmes prédécesseurs, elle subit injures, trahisons et calomnie. Si la « Sainte » Inquisition avait pu l’envoyer au cachot, sinon au bûcher, elle l’eût fait… mais ses contemporains se chargèrent de lui infliger la prison du ridicule et le bûcher de la calomnie.

« Les Grands Êtres vivent, rêvent, sentent au-delà du temps, par-delà l’Histoire, ce filet complexe d’événements dans lequel nous autres vivons prisonniers. La force de leurs sentiments élevés leur permet de « voir » au loin ce que nous autres osons à peine pressentir. Cette énorme différence de perspective rend difficile la communication entre « Eux » et « nous ». Et, cependant, nous avons besoin les uns des autres, d’une façon si intense et parfois si désespérée, que l’histoire des efforts que nous avons faits pour nous relier est remplie de faits mémorables. Peut-être que les pages les plus belles et les plus suggestives de la grande histoire de l’humanité ne furent, en réalité, que des épisodes plus ou moins heureux de ce dialogue mystérieux, bien qu’il n’apparaisse pas comme tel ou ne soit même pas mentionné. Helena Petrovna appartient à cette liste, heureusement longue, de personnages inspirés par la puissante Lumière de la Sagesse millénaire… »

(Maria Dolorès Fernandez-Figares, article écrit dans
« H.P. Blavatsky – Réflexions sur l’actualité de ses Enseignements ésotériques »
Ed. Nouvelle Acropole – 1991 – p. 127).

 


[1] Voir l’admirable ouvrage empli de références, dont de nombreux extraits du procès-verbal du procès de G. Bruno, de Frances Yates « Giordano Bruno et la Tradition Hermétique » – Ed Dervy-Livres.(11-4-3)
[2] Parlant de Mme Blavatsky, qu’il avait rencontrée à Londres où des théosophes lui avaient fait connaître la Bhagavad-Gîtâ (qu’il leur avoua à sa honte n’avoir jamais lue), M.K. Gandhi a rappelé à son biographe (Louis Fischer) qu’au début les chefs de file du Congrès étaient des théosophes, en ajoutant :

« La Théosophie est l’enseignement donné par Mme Blavatsky […]
C’est l’hindouisme dans ce qu’il a de meilleur »
.
Et par deux fois il insista : « La Théosophie, c’est la fraternité des hommes ».