Reprenant le Flambeau laissé officiellement pour éteint au Ve siècle, Helena Petrovna Blavatsky divulgua les deux premiers aspects de la Théosophie Éclectique tendant à réconcilier toutes les religions dans un système fondé sur des Vérités Éternelles : Cosmogénèse et Anthropogenèse, soit la formation de l’Univers et des mondes ainsi que la genèse et la structure occulte des cinq règnes de la Nature, selon les diverses phases de leur évolution respective: minéral, végétal, animal, humain et « divin » car l’accomplissement final, pour ce cycle planétaire, d’un être humain a également été décrit, techniquement, méthodiquement, scientifiquement.
Ces mots peuvent sembler abstrus et d’aucuns ne se sentiront pas concernés par cette énumération. Pourtant, là réside le plus beau cadeau que l’Humanité ait jamais reçu depuis fort longtemps…
Ouvrant enfin grandes les portes des Temples de Traditions diverses, Helena P. Blavatsky décrypta, en un langage adapté au monde moderne, les Symbolismes multiples sous lesquels s’était exprimée la Connaissance Unique ; révélant le fil d’or qui les unissait tous, elle offrit aux hommes les Clés de la Compréhension de l’Univers afin que ceux-ci pussent appréhender le monde dans lequel ils vivaient, savoir ce qu’ils étaient et connaître le but qu’ils devaient atteindre individuellement (par la Voie accélérée dite « Initiatique ») ou collectivement (Voie lente de l’évolution globale décrite par phase).
L’Humanité venait de renouer avec ses Origines et avait un Devenir. L’Éternité de la Vie à conquérir par le développement de la Conscience n’était plus affaire de foi ou de dogme. Elle est le fondement même de l’Univers car telle est la Loi.
Si Helena P. Blavatsky prononça le réquisitoire le plus solidement argumenté contre l’Église — et contre toute religion destructrice — ce ne fut pas pour ternir l’Image du Christ mais pour sauver celle-ci de l’utilisation malsaine qui en fut faite. « Les Prêtres vous ont affirmé l’existence de l’Enfer éternel auquel vous destinait une seule pauvre vie d’ignorance et donc d’erreurs; ils ont garanti leur service comme seul intermédiaire possible entre vous et votre salut, s’attachant à faire disparaître jusqu’aux traces, la Science des Mages et des anciens Hiérophantes qui avait le pouvoir de vous libérer de vos maux. » Voilà ce qu’en substance Helena P. Blavatsky écrivit.
Les Religions du Monde Illustration de Augustus Knapp © The Philosophical Rechearch Society |
Ce fut cette Vérité qu’elle redéfinit sous l’ancien nom de « Théosophie » et dans ce même contexte nous détenons d’elle la synthèse la plus brillante qui fût jamais faite des Religions, des Mythes et de toutes les Écoles Philosophiques passées. L’universalité de la véritable Connaissance venait d’être démontrée.
À l’instar des Professeurs de la Sagesse Antique, elle s’attacha à recourir sans cesse au stade atteint, dans son siècle, par la Science et l’expression de la spiritualité générale afin de restaurer à nouveau la Philosophie et l’ascèse conduisant aux Mystères.
Cependant, en raison de la remise en cause fondamentale des anciennes structures que générait son Message (les religions et leurs églises respectives, les mouvements ésotériques occidentaux en mal d’un Judéo-Christianisme qu’ils tentaient d’ennoblir, les doctrines de l’Inde pétries dans une orthodoxie conservatrice et déviée, le spiritisme s’accrochant à des croyances malsaines, la Science engoncée dans le matérialisme, le positivisme et le mécanisme, enfin le sexisme s’exerçant à l’encontre d’une femme œuvrant dans un domaine que les hommes se sont réservé depuis toujours…), Helena Petrovna Blavatsky fut vilipendée. Mais ce rejet même plaide pour la grandeur de son travail car elle subit ainsi le sort que les hommes ont toujours réservé à ce qu’ils ne pouvaient immédiatement comprendre et qui dérangeait leur confort social, mental ou religieux.
En conséquence, s’attarder ici sur le discrédit dont elle fut victime serait jeter sur la splendeur de l’Œuvre les vagissements de l’ignorance et l’aveuglement des passions.
« Mes livres, disait-elle d’ailleurs, ne seront compris qu’à la fin du prochain siècle. » Nous y sommes. Elle aurait pu ajouter: « Mon œuvre et ma vie elle-même, tellement liée à Ceux Qui m’envoyèrent ne seront compris que dans un siècle ». Il est vrai que son Enseignement fait bonne récolte de nos jours et que l’insolite qui a pavé sa vie[1] est mieux à même d’être expliqué.
Quant à aborder à présent, la problématique générée par Ceux Qui, à travers elle, délivrèrent cet Enseignement, — Ceux que l’on appela les Maîtres « de Mme Blavatsky »… —, « l’art d’agréer » vaut mieux que celui de « convaincre ». C’est pourquoi il appartient à chacun de forger ses propres convictions au regard de ce qu’il aura saisi du Message.
En vérité, pour appréhender ces Grands Êtres, les critères de jugement de notre mental actuel ne suffisent pas car Ils ne sont perçus qu’à travers un certain battement du cœur et la transparence de l’esprit. Nous Leur devons, néanmoins, la charité d’avoir placé sous les yeux des hommes la Réalité Sublime de l’Adeptat, s’exposant ainsi Eux-mêmes à l’incompréhension du plus grand nombre pour le bénéfice du plus petit.
Cependant, des Écoles ont fleuri en faisant appel, à juste titre, aux « Maîtres », Ceux-là -mêmes qu’Helena. P. Blavatsky révéla au monde. Et en ces jours de mutations profondes, il semble que la notion de « Fraternité Transhimalayenne » devienne, pour un grand nombre, l’Espoir de renouer avec le Courant de Vie.
A défaut de cette perception subtile, il est regrettable que les Maîtres et Leur Disciple aient été bannis par ceux-là mêmes à qui ils avaient enseigné. Si « nul n’est prophète en son pays », Helena P. Blavatsky ne le fut point dans la Société Théosophique.
Mais il fut écrit: « Périsse la Société Théosophique plutôt que de se montrer ingrate envers H.P.B. » Cette phrase, en raison de la qualité de son Auteur, a-t-elle eu le Pouvoir du Verbe ?[2]
Toutefois, le Message d’Helena P. Blavatsky a pénétré une grande partie des mentalités. C’est une victoire, une victoire fabuleuse, lorsque l’on considère le sort affreux qui fut réservé à Cagliostro, pour ne citer que le dernier grand martyr de l’Inquisition…
Elle influença les philosophes, les artistes et les savants qui découvrent de plus en plus, — et l’expriment par des formules mathématiques — que la matière est « l’esprit densifié »… La notion « d’énergie » et de « vibration », quant à la définition d’une réalité donnée, nous vient de la Doctrine Secrète, œuvre maîtresse d’Helena P. Blavatsky.
De plus, cette victoire est d’autant plus réelle que le messager semble oublié ou inconnu tant l’Enseignement s’est distillé dans le vocabulaire quasi-quotidien de ceux-là mêmes qui ne se targuent pas d’Occultisme. Ainsi entend-on de plus en plus fréquemment, même par les médias, dans le discours courant, les expressions suivantes, digérées, intériorisées, normalisées: « C’est mon karma ». « Peut-être est-ce dans une vie passée que… » « Une vision astrale », « mon corps astral », « une belle aura », etc. Et s’il arrive que certains, parmi le grand public, dénigrent « ce médium », voire « cet imposteur », ils n’ont pas moins intégré une série de notions psychologiques appartenant à la pensée blavatskienne.
Par ailleurs, non seulement Helena P. Blavatsky désenclava, en Occident, les milieux poussiéreux de l’Ésotérisme mais elle fut la cause directe de l’essor extraordinaire de ce dernier. Dans les milieux des Ésotéristes, les plus sérieux ne peuvent pas manquer de se référer à son Œuvre; les plus négligents préfèrent annoncer les Vérités qu’elle a révélées, dans les termes mêmes de leur auteur, sans la citer ; certains même « créent » tout un système métaphysique, réplique exacte de son Enseignement, en déniant ouvertement leur source…
Cela est, en réalité, sans importance. Existe-t-il un plagiat dans le monde des idées ? Celles-ci circulent… et bienheureux celui qui capte les plus sublimes. On se réchauffe du soleil sans même le voir, et on pense de plus en plus, sans le savoir, selon l’impulsion investigatrice donnée par le Message théosophique. Si les rayons éclairent, faut-il pour autant adorer le disque de lumière lorsque l’Esprit vivifiant est au delà de cette apparence? « La transcendance de la Doctrine salvatrice doit seule être considérée et peu importe ce qui advient de l’Émissaire ». Ce sont des propos qu’Helena P. Blavatsky aurait pu tenir.
Nous comprendrons donc que « la valeur de l’Enseignement Traditionnel que l’Humanité avait perdu pendant longtemps mais que les hauteurs du Tibet avaient préservé […] ». Il s‘est agi de susciter chez le lecteur de ces pages « hors de toutes querelles religieuses ou philosophiques, en toute vérité, une prise de conscience des possibilités qu’offrent les Enseignements divulgués actuellement — à l’instar du IIe siècle de notre ère — sous le nom de « Théosophie ».
Appréhendant peut-être à présent la valeur universelle de ce qui est offert sous cette étiquette — séparatiste, par définition, et donc limitative — tout chercheur de bonne volonté s’empressera immédiatement de l’ôter car il aura compris que la Théosophie est la Science permettant d’accéder à la Sagesse Divine; il ne cantonnera plus celle-ci à une philosophie occulte, parmi tant d’autres, délivrée par une « dame russe » à la fin du XIXe siècle; bien au contraire, il saura qu’en réalité on ne peut s’affirmer Occultiste ou Ésotériste sans se dire « Théosophe ».
Par la libération complète de la souffrance, cet Enseignement donne, en vérité, les prémisses fondamentales conduisant l’être humain « à la plus grande de toutes les victoires qui puissent échoir à un mortel »[3].
Et puissent Ceux Qui guident les destinées humaines vers cette Victoire accorder aux chercheurs sincères la Compréhension du Chemin et la Volonté d’y œuvrer afin de conquérir l’Espace et l’Éternelle Conscience »[4].
[1] Voir « La Doctrine Secrète et Mme Blavatsky » de Constance Wachtmeister – Ed. Adyar et « Helena P. Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » de N.R. Nafarre – Ed. Nafarre.
[2] Lettre du Mahatma Morya n° 32. — Lettres des Maîtres de la Sagesse, 2e série, p.68. de l’Éd. de 1926.
[3] « Milarepa ou la vie de Jetsün Kahbum ». Éd. Maisonneuve.
[4] Extrait du Prologue d’Alexandre Moryason écrit pour « Helena Petrovna Blavatsky ou la Réponse du Sphinx » de Noël Richard-Nafarre – © Ed. Nafarre -1992