Le mot « Théosophie » :

ses origines néoplatoniciennes (IIIe siècle apr. J.-C.)

 

L’étymologie grecque (« theou » – « sophia » = la Sagesse de Dieu ou la Sagesse Divine) de ce mot révèle clairement la « tonalité » du sens qu’il a revêtu au cours des siècles. Tonalité seulement, car sa signification originelle, telle qu’on la trouve pour la première fois dans les écrits du néoplatonicien Porphyre (234-305) puis des néoplatoniciens de sa suite, va s’altérer au point de perdre la grandeur initiale et la vastitude des possibilités spirituelles que sa pratique offrait à l’être humain.

A – Sens initial du mot « théosophie »

Bien que le mot en lui-même ne fût pas encore utilisé par Pythagore et Platon, il est patent que leurs Philosophie et Principes de vie se fondaient sur cette même « Sagesse Divine » dont la dénomination par le terme « Théosophie » fut promue, des siècles après eux.

Ce fut Porphyre, a-t-on dit qui, le premier écrivit ce mot. Toutefois Porphyre était le disciple de Plotin (206-270) lequel fut disciple du célèbre Ammonios Saccas d’Alexandrie (175-242).

Avec Ammonios, on touche le cœur du Néoplatonisme, la résurgence, pourrait-on dire, de l’École du Maître (Platon), celle-ci ayant été nourrie de Pythagorisme. Ammonios Saccas professait à Alexandrie un système philosophique tendant à réunir et à comparer tous les systèmes philosophiques et religieux connus dans le monde afin d’en dégager les similitudes et de démontrer qu’une Seule Essence Divine était à l’origine de tout système de pensée métaphysique ou de croyances religieuses et que c’était vers cette Unité Suprême que devaient tendre toutes les investigations et les efforts des êtres humains — par des rites et des pratiques ascétiques précises, dénommées « Théurgie » — afin de laisser émerger la Sagesse Divine endormie en chacun d’eux et se fondre dans l’Unique Sagesse Universelle. Selon Diogène Laërce (IIIe siècle ap. J.-C.), ce système — avec lequel la Théosophie résurgente au XIXe siècle renouera — fut attribué à un Prêtre égyptien nommé Pot-Amon qui vécut sous les Ptolémées dans les derniers siècles avant J.-C.

On n’a aucun écrit d’Ammonios Saccas mais on peut penser qu’il dût employer le mot de « Théosophie » — ceci est une hypothèse — afin de définir cette Quête Spirituelle pour que Porphyre — à travers son Maître Plotin — l’utilisât. L’Helléniste du XIXesiècle, Alexandre Wilder, décrivit le Néoplatonisme d’Ammonios Saccas comme d’une « Système théosophique éclectique », mentionnant plusieurs fois le mot « théosophie » pour tout ce qui se référait à cette Doctrine.

A la suite de Porphyre, l’usage de ce mot devint de plus en plus fréquent. A la notion d’ « extase » et de « mysticisme », s’y attachant initialement, s’agrégèrent les significations d’ « inspiration divine » (Jamblique, 250-325), de « théurgie » (l’Empereur Julien, 331-363), de « arcanes de la religion grecque » (Proclus, 412-465). Pour les derniers Néoplatoniciens (Ve-VIe siècles), l’acception générale de « doctrine spirituelle » ou de « théurgie en elle-même » finit par prévaloir.

Toutefois, dans toutes ces significations trois idées implicites dominaient :

  • tout être humain peut accéder à cette Sagesse Divine par des efforts et une ascèse personnelle ;
  • la Divinité à capter en Qui fusionner est la Même et unique pour tous les êtres, quels que soient leurs origines raciales, religieuses et culturelles et quelles que soient, aussi, les noms particuliers qui L’ont dénommée au cours de l’espace et du temps ;
  • cette Divinité ou Essence Unique de l’Univers n’est ni Père ni Mère mais les Deux à la fois.

B – Sens christianisé du mot « théosophie »

Ce fut avec le Pseudo-Denys l’Aréopagite[1] (Ve-VIe siècles) que le sens initial, le sens néoplatonicien s’altéra.

Le Judéo-Christianisme apporta deux notions qui aliénèrent complètement la vision d’Ammonios et de ses successeurs :

  • tout être humain ne peut pas accéder à cette Sagesse Divine ; c’est Dieu qui octroie une parcelle de Sa Sagesse à un être de son choix, un « élu » ;
  • la Divinité ou Dieu, détenteur de cette Sagesse, est Unique ; c’est celui d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et, par conséquent, de Jésus-Christ ; seuls ceux qui partagent le culte de ce Dieu sont considérés comme ses enfants ; le reste de l’Humanité est exclue ;
  • ce Dieu est Père, et seulement Père, la notion de Mère — ou d’Aspect Féminin de l’Univers — disparaissant totalement[2].

Cette nouvelle acception du mot « théosophie » fut celle qu’adoptèrent les Mystiques chrétiens de l’Europe depuis le Moyen-Âge jusqu’à — pourrait-on dire — nos jours pour ceux qui veulent délibérément ignorer l’apport fondamental dans ce domaine d’H.P. Blavatsky (Antoine Faivre, par exemple, qui, dans son article alimentant la rubrique « Théosophie » dans l’Encyclopaedia Universalis, n’accorde de crédit qu’à cette signification judéo christianisée, écartant le sens initial néoplatonicien et dénigrant ouvertement l’œuvre d’H.P. Blavatsky).

C – Résurgence du sens néoplatoniciendu mot « théosophie » à la fin du XIXe siècle.

Ce fut par « La formation de la Société Théosophique » qu’H.P. Blavatsky donna ce sens. Bien qu’elle ne choisît pas elle-même ce mot, elle en accepta la proposition — faite par le Colonel H.S. Olcott — car la similitude entre le travail qu’elle était chargé de faire et celui d’Ammonios Saccas était évidente.

Et de fait, lorsque l’on considère son œuvre, on perçoit clairement que l’universalité des croyances, des religions et des philosophies ainsi que la quête de cette Essence Unique Divine, recherchée par tous les êtres de quelque continent et de quelque temps que ce soit, ont été magistralement démontrées.

Aussi est-ce à juste titre que l’on parler de la « Résurgence de la Théosophie » au XIXe siècle sous l’égide de H.P. Blavatsky.

Pour une approche plus exhaustive des origines et évolutions de sens du mot « théosophie », il est recommandé de se reporter, à l’excellent travail de Jean Louis Siémons « Theosophia — Aux sources néoplatoniciennes et chrétiennes — IIe-VIe siècles » (Ed. Cariscript).


[1] Aréopagite : membre de l’Aréopage [du grec Areios pagos]. Dans l’Antiquité, on nommait une colline d’Athènes Areios pagos — d’Areios, « Arès » et pagos, « colline » — parce que l’on avait installé là le tribunal qui devait juger les affaires criminelles. Ces actes d’une extrême violence étaient donc associés au nom d’Arès, dieu grec de la Guerre (le Mars des Romains), et à arê, « malheur ».
[2] Excepté pour les Kabbalistes

Théosophie : Science des Lois Universelles

menant à la Sagesse Divine — Contenu exhaustif

A – Circuit emprunté par cette Connaissance au cours du temps

Issue du Nord de l’Inde, des centaines de milliers d’années avant J.-C., puis transmise à l’Égypte, à la Chaldée, et, comparativement de façon plus récente, en Grèce, la Connaissance des Lois Universelles régissant l’Univers (le Macrocosme) et l’homme (le Microcosme) ainsi que la mise en œuvre de celles-ci (donc les pratiques liées à l’ascèse fondant l’évolution harmonieuse de l’être) était dispensée dans des Temples auxquels pouvaient accéder tout homme et toute femme instruits et dont l’éthique intègre était solidement établie.

Cette Doctrine était secrète et seules les élites en bénéficiaient car les masses, encore incultes car soumises, pour la plupart, à un statut social inférieur empêchant toute instruction, devaient être préservées de toute utilisation destructrice de ce Savoir. Aussi, se manifestait-elle pour le peuple sous la forme d’une « religion », celle-ci n’étant que l’expression allégorique des Lois Universelles. En réalité cet Enseignement était unique et commun à tous les peuples mais il empruntait, pour se concrétiser, un symbolisme adapté à la nature propre des ethnies contactées. C’est pourquoi, sous des apparences multiples, la même Vérité était diffusée. 

S’agissant de l’ensemble des Lois de l’Univers, la Doctrine secrète englobait donc, dans son champ d’appréhension, tous les Plans existant dans le Cosmos et, en conséquence, ce que nous nommons « matière » et « esprit » :

  • Elle expliquait « les Mathématiques sacrées » ou « Science des Nombres » — et son complément indispensable, l’Astronomie — qui permettait de comprendre l’ordonnancement des Énergies et des Mondes, appelés aussi « Dieux » et de ce symbolisme vint le mot « Théogonie » : la « Genèse des Dieux ». Explicitant le monde dense dans lequel nous vivons, elle enseignait les Mathématiques « terrestres », et considérant l’action des Forces Cosmiques sur les êtres et les choses, elle s’adonnait donc aussi à l’Astrologie.

  • Connaissant les propriétés cachées des trois grands règnes de la Nature et les forces du psychisme humain, elle offrait une Médecine efficace et l’anesthésie par hypnose; s’agissant d’accélérer l’évolution de la matière en opérant une mutation de l’électromagnétisme initial inhérent à celle-ci, elle permettait d’œuvrer tant sur les minéraux (transmutations métalliques), les végétaux, que sur le corps humain (absorption de certaines substances); elle divulguait ainsi les principes de l’Alchimie.
  • S’attachant au « bonheur » véritable de l’homme, elle offrait à celui-ci les moyens de maîtriser — par la mise en pratique de la Connaissance théorique — en premier lieu sa propre nature et ensuite son environnement, en divulguant les deux Phases de la Magie ou Théurgie :

  1. La Purification ou Art de soumettre l’Électromagnétisme individuel à l’action de l’Électromagnétisme Universel afin de dénouer l’entrelacement névrotique des énergies structurant le psychisme et l’intellect et de permettre ainsi l’émergence de la Divinité en l’homme. Sont incluses entre autres dans ces techniques la concentration, la méditation ainsi que l’action du souffle, de la visualisation et de certains Sons, sur certains centres subtils de l’être humain.

  2. L’action sur l’environnement (guérison, matérialisation, etc.), par la mise en œuvre — via le Pouvoir du Verbe ou d’êtres subtils planétaires et de hiérarchies élémentales — de l’Électromagnétisme Universel agissant dans ses spécificités.

Fondée sur des Rites, une Gestuelle précise et l’usage de figures géométriques, la Théurgie était « cérémonielle » ou « opérative » ; utilisant la Science du Verbe, elle mettait en œuvre la véritable « Kabbale » laquelle est la Science ou Connaissance du verbe (ou le Pouvoir inhérent au Sons universels[1]).

 Cet Enseignement diffusait, en conséquence, les fondements, non seulement de ce qui est devenu aujourd’hui la « Science Moderne », dans les multiples domaines de cette dernière, mais aussi de la constitution complexe des êtres et du principe essentiel qu’est, dans l’Univers, le phénomène de la Conscience. »

De cette exhaustivité résultait un pouvoir d’agir sur la matière ainsi que sur la structure subtile de l’être humain que la Science occidentale et les Religions ignorent encore.

B – Théosophie et accès à la « Sagesse Divine »

Parce qu’elle offre une Connaissance des Lois régissant l’Univers et l’être humain, sur tous les plans d’existence de ce dernier (physique, mais aussi psychique, mental et spirituel) ainsi que la mise en œuvre de ces Lois (Magie Divine ou Théurgie[2]), la Théosophie est la Science qui d’accéder à la Sagesse Divine.

En effet, l’assimilation intellectuelle de cette Connaissance développe les facultés très subtiles du lecteur, son intuition augmente au fil de ses acquis mentaux et si, par chance, celui-ci adhère à quelque pratique sérieuse et authentique (Médiation bouddhiste mahâyânique, Magie Divine de Purification personnelle, etc.) il transforme littéralement sa structure : physique, psychique, mental ce qui donne, à terme, des résultats d’ordre profondément spirituel.

En conséquence, la Théosophie moderne est la résurgence de l’Enseignement de deux Aspects de la Connaissance que divulguait publiquement la Théosophie éclectique, il y sept siècles :

  1. la Divinité et à la formation de l’Univers (Cosmogénèse) ;
  2. la formation de l’être humain et son évolution (Anthropogenèse)

Quant au 3e Aspect, la Théurgie, elle faisait l’objet — à cette époque néoplatonicienne — de beaucoup de discrétion et n’était divulguée que de façon très secrète. La Théosophie moderne garde cette même discrétion et n’offre au grand public aucune pratique liée à cet Aspect.

C’est donc par l’étude des sciences métaphysique et la pratique théurgique que la Sagesse Divine s’acquerra, peu à peu, sur ce Chemin, difficile, il est vrai, mais menant sûrement au Bonheur Suprême lié à l’Adeptat (voir « Maîtres de Sagesse »). Car, de fait, qu’est ce dernier, sinon l’état de celui ou de celle qui a maîtrisé la totalité de sa structure (les Théosophes diraient : des « Principes » composant l’être humain).

Et en vérité, par la libération complète de la souffrance, tellement liée à la condition humaine, cet Enseignement donne les prémisses fondamentales conduisant l’être humain « à la plus grande de toutes les victoires qui puissent échoir à un mortel ». » (Vie de Jetsun Kahbum Milarepa, Ed. Maisonneuve).

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[1] Voir « La Clé de la Véritable Kabbale » de Franz Bardon – Éd. A. Moryason – 1999
[2] Toutefois, cet aspect de la Théosophie, diffusé discrètement au IIe siècle de notre ère, ne sera pas encore repris au XIXe siècle